Venezia IV (Querini Stampalia, Baselitz, Quinn, Bifora)
Le planning serré des tauliers commence par l’expo Planet B, curatée par Nicolas Bourriaud du collectif Radicants (au palazzo Bollani, quartier de Castello). Nous traversons en vaporetto, serpentons dans les ruelles avec l’aide du GPS (comme tous les touristes) et trouvons porte close : « Nous rouvrons le 7 septembre » ! Nous n’en saurons donc pas plus sur « Le sublime et la crise climatique », dommage... (Les images ci-dessous sont tirées du site de l’expo)
Tout ceci semble joli et... bien inoffensif, non ? Mais ne jugeons pas trop vite, Bourriaud est une pointure dans son domaine.
Update du 30 septembre 2022 : nous recevons ceci de T.
> À propos de l’expo de Nicolas Bourriaud – rien d’extraordinaire dans mon souvenir, en effet – il faut souligner ce trait assez significatif, me semble-t-il : le décalage entre le théoricien de « Radicant - Pour une esthétique de la globalisation », et l’exploitation concrète du nuage de concepts développés dans ce livre par ailleurs très intéressant : l’altermodernité succédant à la postmodernité, l’artiste comme sémionaute ne recherchant ni ses origines, ni sa destination, mais déplaçant ses racines comme du lierre rampant sur une mer de signes, etc.
Bref, ne s’improvise pas commissaire qui veut.
T.
L’architecture intérieure du palais est due à Carlo Scarpa, l’homme au chapeau ci-dessus– oui, le génie du flagship store Olivetti de naguère (visible ici). Des interventions postérieures sur la structure du palais ont été réalisées aussi par Valeriano Pastor et Mario Botta – voir là.
Nous connaissions Danh Vo depuis quelques biennales, et avions été impressionnés par ses installations. Il déçoit de la mort aujourd’hui, avec ses petits encadrements photographiques de fleufleurs et de planplantes. Images banales prises... dans son jardin à l’aide d’un smartphone bien pourri ! Ça sent le confinement, le gros poil dans la main et le prétexte du changement climatique. Il aura bien servi, d’ailleurs, le changement climatique, cette année ! (le terme anthropocène s’entend et se lit beaucoup moins – comme on lit et entend moins Emanuele Coccia, ouf !-)
En revanche, les trésors du palais nous emportent... Les luminaires japonisants en papier sont d’Isamu Noguchi, les peintures de Park Seo-Bo
Une andrienne ?!
Une pensée (et un e-mail, quelques jours plus tard) pour Annaïk Lou Pitteloud et son dé pipé en ivoirine (visible ici, dans un cube de verre)Et ci-dessous ? Il y a toujours un peu d’autoréférence, selon le taulier, dans ces représentations de forgeurs... forgeant le monde
La lagune gelée ?! Ce serait possible ? Quel beau tableau...
Un jugement dernier à tomber (de l’échelle)
Le ballotino, à l’origine, est un enfant innocent qui glisse sa main dans l’ouverture latérale afin de retirer des ballotes au hasard (« Nella Repubblica di Venezia, il fanciullo che estraeva da un’urna le ballotte coi nomi dei magistrati destinati a nominare il doge »). On est loin du sanguinaire Poutine et de ses référendums grotesques en Ukraine occupée.
Le bas-relief ci-dessous m’a fait penser à Paul, mon grand-père, qui a laissé un poumon à Ypres, victime d’un nuage d’ypérite allemand (donc)
Couple fatigué en immersion
Nous n’avons pas photographié le Bellini, over-shooté par le taulier – ni l’extraordinaire Jugement dernier du troisième étage (même raison – les deux toiles sont visibles ici, au milieu de la page).
Nous prenons un espresso au petit bar rempli de jeunes universitaires en résidence, puis sortons sur le campo Santa Maria Formosa – avant de tourner immédiatement à droite pour l’expo coup de massue du jour : Baselitz au premier étage du palais Grimani.
Attention séquence à carboniser les yeux et le cerveau.
Dirait-on pas que c’est la cheminée qui a produit ces corps ?
Se promener dans le palais désert sidère toujours autant
Ci-dessus, la version du texte de Guy Duplat corrigée par le taulier (qui a du temps à perdre !)
Ci-dessous, l’original, doublement mal accordé par le correcteur de la Libre (au-dessus de la date)
En fin de visite, une interview passionnante de l’artiste dans une petite pièce avec grand écranUn géant. Si vous n’avez pas cliqué sur l’un des liens fournis plus haut, le revoici. Vous y verrez d’autres travaux de Baselitz (à l’Accademia) il y a trois ans.
Un étage plus haut, une exposition concoctée par Larry Gagosian (comme souvent dans ce palais – Helen Frankenthaler la dernière fois, toujours le même lien, mais plus bas dans la page). Cette expo-ci (2022) était dispensable (Mary Wheaterford) – le mariage néon+toile fonctionnait moyen.
Il y a par ailleurs une célèbre œuvre un rien mégalo d’Anish Kapoor portant le même nom (voir ici). Nous avions vu au Grand Hornu, près de Mons en Belgique, une Melancholia plastiquement proche du Marsyas de la Tate Modern. Le personnage de Marsyas fascine les artistes depuis longtemps (Le Titien ici) – peut-être parce que cette peau d’écorché évoque un vélin, un parchemin, donc le lieu possible d’une inscription ou d’un message ?
Ce qu’il y avait de mieux dans cette expo-ci ? Peut-être les chaises...
Tiens ? Un con !
Même les cordons ont de l’allure chez Grimani... CAB où le taulier s’est miré dans un magnifique Ann Veronica Janssens il y a quelques jours (la légende ci-dessous est de la maison)
Il est temps de déjeuner sur le campo – et de retrouver Grace Jones La patron du resto s’est fait photographier in illo tempore avec Grace J. dans son établissement. Il tient toujours la caisse aujourd’hui, maigre, le cheveu rare, la main qui tremble quand elle tend le sabot sans fil pour payer. Lèvres soudées, œil catatonique, il n’a pas entendu la casserole qui est tombée dans la cuisine et qui a fait sursauter tout le personnel. J’espère que Grace Jones se porte mieux.
Depuis quelques jours les places de la ville présentent des alignements de panneaux – vierges encore de listes électorales
Mon rêve : offrir un incunable à Poutine – et le buter (idem Xi Jinping, Bachar al-Assad, Erdogan, Loukachenko, Modi, Trump, Raïssi, Kim Jong-un, ben Salmane)
Ah, cette photo me fournit l’occasion de parler de Marc Quinn – ou plutôt de renvoyer le lecteur aux premières lignes de sa notice Wikipédia, bien fichue.ò , signore! ») on découvre une façade dont il est difficile de dire si c’est le temps qui l’a peinte – ou un artiste (« non si fotografa, signore! »)
Ils sont flous – mais ils sont jeunes ! (il doit être 23:00 et il y a toujours du monde qui fait la queue devant le glacier Grom)
Quelque chose du Tilted Arc de Richard Serra ?
« Le pire, c’est que cela empirera »
Bien vu – la situation est plus grave encore... (infographie du Monde)
Nous mettons le cap (à pied) vers une quadruple expo dans le bon vieux Correr. Accueil de chien, mines jusque par terre, désinvolture royale des préposés – nous sommes habitués, c’est chaque fois pareil ici, dès la fouille des sacs à l’entrée. On s’engueulera avec les autorités à la fermeture, pour une histoire de toilettes (impossibles à trouver, inutile de détailler plus).
On commence par l’expo principale consacrée à Francesco Morosini, l’un des plus puissants doges de Venise (né en 1619). C’était un marin – beaucoup de sculptures classiques et de documents intéressants
Des photos comme celle ci-dessus me font pâmer ; il en a fallu des maths, de la physique, des expériences, des ingénieurs pour explorer les mers...
Et un tableau comme celui-ci, saturé de voiles, me ramène chaque fois au concept d’autoréférence (vous commencez à connaître la marotte du taulier) : une voile et une toile – c’est la même chose !
Double selfie à la gravure sérénissimeMon rêve : offrir un incunable à Poutine – et le buter (idem Xi Jinping, Bachar al-Assad, Erdogan, Loukachenko, Modi, Trump, Raïssi, Kim Jong-un, ben Salmane)
Ah, cette photo me fournit l’occasion de parler de Marc Quinn – ou plutôt de renvoyer le lecteur aux premières lignes de sa notice Wikipédia, bien fichue.
Les deux curatrices ont demandé à Marc Quinn « d’intervenir dans les collections du Correr » – et je dois avouer que ladite intervention est assez réussie, malgré ce qui pourrait s’apparenter (pour certains) à de l’iconoclasme ou du mauvais goût. L’artiste remet ces notions en perspective en évoquant notre actualité et sa couverture par les médias contemporains. Venise et son doge n’ont-ils pas utilisé les médias de l’époque pour réécrire l’histoire, la maquiller, la tirer vers la propagande ou le futile – afin de mieux asseoir leur impitoyable pouvoir ? (qu’évoquent tous ces bustes et plâtres)
Voici une salle du Correr typiquement « revisitée » par Quinn
Quinn et Queen B.
Petite expo dans une grande salle annexe des travaux de Dieter Nuhr – lequel je ne connaissais pas. Intéressante aussi. Ce palais Correr est tout de même stupéfiant !
Un mot encore sur ce que deviennent les visites dans ce genre d’endroit. Les autorités ont décidé qu’il fallait flécher les parcours, entraver les circulations, pousser les visiteurs de la salle A à la salle Z, dans cet ordre, sans possibilité pour lesdits visiteurs de muser (dans le musée) à leur guise. Le Correr se prête bien à ce genre de tyrannie – avec ses enfilades de pièces. Mais le déplaisir à suivre des cohortes de touristes, à buter toujours sur les mêmes, à ne pouvoir revenir facilement en arrière (ou à zapper les salles qui ne vous intéressent pas, grâce à des raccourcis), est grand. Le cordon triomphe désormais – et l’âpre vigile.
Une gravure dont la maison a une copie, reçue du pater familias à l’occasion de son mariage (le mariage du taulier) – avec ses souffleurs de vent aux grosses joues, dans le bas...... lequel taulier a toujours aimé les pyramides humaines – dans les foires, sur les places, au cirque ou en maquettes façon frères Chapman
En écartant un rideau (« non si puNous arrivons au bout du parcours fléché – et découvrons un photographe inconnu (Massimo Listri – il évoque parfois Candida Höfer, laquelle est multi-affichée dans les escaliers du magasin Vuitton, salizada San Moise)
18:00 pile, tout le monde fuori!
Nous irons dîner en terrasse à la Bifora, re-petite adresse secrète, campo Santa Margherita (elle a doublé de surface, la terrasse du boui-boui, par rapport à la Biennale précédente – et on n’est plus obligé de payer cash)
Le nouveau sabotLa mère (ou la cousine, ou la sœur, ou la tante) de la patronne
Promenade sur la place avant de rentrer Ils sont flous – mais ils sont jeunes ! (il doit être 23:00 et il y a toujours du monde qui fait la queue devant le glacier Grom)
Nous prenons note des affiches ci-dessous sur le chemin du retour – le palazzo Vendramin Grimani vaut la peine d’être visité, a lu le taulier quelque part. L’artiste que l’on y expose (Bosco Sodi) nous est inconnu – mais nous irons.
Nuit noire – les jeunes font la fête sur le Ponte del Formager... Systématiquement. Comme tous les soirs d’été. Depuis toujours. Ça commence à l’aperitivo et finit après minuit, quand le minuscule Luganegher ferme.
Une cliente du Luganegher devant l’entrée de la fondation Guggenheim – elle est au programme de la maison (la fondation – pas la cliente). Nous en reparlerons.Il est temps, au fin fond de la calle Molin, d’aller se coucher.
(Mais comme j’ai emporté mon iPad et que la liaison Internet est ultraluminique, j’ai encore pris 20 minutes pour déguster ce qui suit – du tennis et de l’Oulipo)
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