Venezia V (Nauman, Côte d'Ivoire, Weiss, Mostra)
Anna Karina par Sabine Weiss (détail)
Nous commençons notre journée par la Punta della Dogana de Pinault (laquelle est à côté de notre rio Tera San Vito) – avec l’expo de Bruce Nauman (dont AVJ nous avait dit qu’elle était à tomber).
(Elle est à tomber !-)
Nauman s’évertue, dès la première pièce, à couper les têtes qui dépassent – mais je parviens à entrapercevoir son visage. Il arpente son atelier avec les moyens de 2022, a-t-il déclaré dans une interview. Sa manière de réactiver les grandes vidéos classiques des années 1960-70 est un pur délice. Simplicité, créativité, permutations circulaires – humour.
Les vidéos d’il y a... un demi-siècle ! (on notera qu’elles ne sont pas présentées sur des écrans plats mais « dans leur jus » technologique d’origine)
Les conceptuels ont toujours aimé compter, mesurer, arpenter (les lieux et les contextes d’exposition des œuvres)
On sait depuis toujours l’attention que Nauman porte au son. Plusieurs pièces viennent le rappeler (comme ce « For Children » – qui nous permettra, pour la première fois, d’avoir accès à toutes les terrasses de la tour)
Contreplongée sur les haut-parleurs
Sont toujours amarrés ici quelques yachts bling-bling qui gâchent le paysage...Les toits de la douane – et le dôme de la Salute
Le Grand Canal commence (ou finit) iciOn revient à l’intérieur – avec une maquette des lieux bardée de mini-projecteurs qui donnent le frisson : le monde ne serait-il qu’une succession de boîtes emboîtées (où bougent des pantins par saccades) ?
Les visiteuses ci-dessus entrent dans la cafétéria – nous les imitons
MacchiatoP. au fond du gift shop
Nous enchaînons avec les pièces sonores évoquées (et parfois insonores) de l’artiste
Géométrie, calme étouffé, angoisse claustrophobe – et souvenirs de performances dans des couloirs étroits À qui est ce bras (gauche) ?
Nous arrivons dans une grande pièce mystérieuse où règne la pénombre... puis notre franc (euro/dollar/yen/yuan/rouble – non, pas le rouble) tombe !
Bruce Nauman est en même temps de face et de dos, en même temps ici et là... en 3D ! Les spectateurs qui nous ont rejoints reçoivent des lunettes (parfumées au désinfectant) et n’en reviennent pas (de toute cette virtuosité). Nous non plus.
L’artiste entre et sort de l’image, intervient en abyme dans ses propres vidéos : vertige (de l’amour)
Une dernière pièce offre la possibilité aux visiteurs de se déplacer eux-mêmes dans l’atelier de l'artiste ! Les trois écrans ci-dessous sont ceux de trois postes/consoles permettant de piloter une caméra/drone virtuelle
On sort – la vie continue, nous mourrons moins bêtes – longue carrière à Bruce Nauman, notre chouchou éternel !
Tous ceux qui ont visité la Punta della Dogana reconnaîtront le parcours en marbre blanc dessiné sur le sol, devant la Salute. Je rephotographie les mots CIRCUITO et ESTERNO – que signifient-ils ? Sont-ce des indications pour d’éventuels pèlerins ? On sait que les géoglyphes (!) de Nazca ou les labyrinthes représentés dans certaines cathédrales (Chartres, Reims) sont des parcours initiatiques (et de repentance, bien sûr, pour les bigots intégristes de tous bords)
On contourne la Salute avec l’idée de rejoindre la Giudecca aux Zattere. Nous passerons par les Magazzini del Sale, où il y a toujours des choses intéressantes. La Côte d’Ivoire nous arrêtera (ne fut-ce que pour sa climatisation) et charmera (surtout la vidéo « des coiffures » – géniale !)
[Il y a une omniprésence à Venise de ce bleu profond – Bleu de France, dit P. Qui s’est donné (quel) mot ? Pourquoi ce succès, cette mode ? Une partie de la réponse doit se trouver chez Pastoureau, probablement]Avec du Tik Tok (la vidéo s’y trouve, peut-être)
Déjeuner là – sous l’œil d’une amie impavide
Cette expo a circulé partout – et nous l’avons ratée partout. C’est le moment de se refaire. Quelle photographe, la Weiss !
Les phylactères de la photo m’ont immédiatement branché sur notre fille C.
Une pensée pour Bernard G. – et son appli !
« J’ai fait cette photographie pour Life, en 1964, à Venise. On savait que Rauschenberg aurait le prix de la Biennale. Il peignait des tableaux étranges, brillants avec des glacis il me semble. C’est pourquoi j’ai voulu son reflet derrière lui. »
Quel reportage sur l’enterrement de Pepe !
Adieu à la Casa dei tre Oci (« Maison des trois yeux »), car elle va disparaître, c’est sa dernière exposition – le bâtiment physique a été racheté par un certain Nicolas Berggruen (oligarque américain ?) On croise les doigts sur l’avenir de ce lieu que les tauliers ont toujours chéri.
Et Ai ?
C’est du verre, ci-dessous – la plus grande œuvre jamais produite dans cette matière, affirment les producteurs de Murano
On embarque pour le Lido et la Mostra (en ratant donc Ai Wei Wei, juste à côté, qui venait d’ouvrir – nous l’ignorions)
J’ai pris cette photo dans le bus qui nous conduisait à la Mostra – pour le Solaris de Tarkovski (photo aussitôt partagée avec L., notre fils, distant de 844,66 km à vol de pensée, lequel aime ce réalisateur)
Quel plaisir de retrouver le Lido et sa Mostra – chaque fois plus belle et mieux aménagée ! On prend l’aperitivo au Café Al Leone d’Oro, bourré de pseudo-stars et de journalistes.
Nous nous promènerons aussi sur les terrasses et dans les salons de l’Excelsior – avant que le taulier ne se fasse jeter comme un plouc par la sécurité (les influenceuses à moitié nues pouvaient rester)
Bye bye Lido, on retraverse la lagune avec l’espoir de voir encore Claire Tabouret – raté, c’est fermé ! On a droit à un épi de maïs (en verre) juste à côté, chez je ne sais qui, that's all, folks !
Nous dînerons campo San Stefano, sur « la terrasse du resto chic », où le taulier sait qu’il y a une « pasta alla Norma » de la mort
(où l’on voit que traduire les menus en anglais n’est pas trop difficile). Notre table était là.
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