Deux Anvers 1 KMSKA

Temps maussade. Avec avec N. et F. nous allons à Anvers voir le musée des Beaux-Arts rénové (11 ans de travaux !) Lentrée se fait en bas de limage à gauche, sous lauvent bleu (plusieurs amis français donnent le nom de « barnum » à ce genre de tente ouverte provisoire. Ce mot est-il prémonitoire ?)
Les « caisses automatiques » cachées dans un coin fonctionnent moyen – les écrans tactiles ne sont pas clairs et les étrangers sinterrogent, perdus. L’entrée est à 20 euros. On se presse dans un sous-sol inhospitalier, réaménagé par des manchots, duquel on s’extrait via un colimaçon ridiculement étroit.
Les (deux) caisses automatiques invisibles, en entrant à droite
Le colimaçon (peu) gracieux (tiré du site du KMSKA
) ; il mène à lentrée principale
Une photo de ladite entrée principale, tirée de la Tribune de l’Art et de larticle La réouverture du Musée des Beaux-Arts d’Anvers, un ratage désolant – le taulier recommande la lecture du faux dialogue entre curateurs, très, très drôle (nous le reproduisons tout en bas de cette page, de peur quil disparaisse un jour du site de la Tribune) !

Nous prenons un ascenseur pour aller à létage le plus élevé.
Les plafonds en caissons sont typiques des salles « modernes ».
Deux grands puits traversent le KMSKA – avec filets récupérateurs de chapeaux, casquettes et smartphones
Ça fait de jolis clichés de fourmis
Rik Wouters nous accueille, dès la sortie de lascenseur – rien à dire, cest charmant... et un rien bourgeois, comme à chaque fois
La Table de l’aquafortiste, 1909 [B]

« C’est dans la période de 1908 à 1911 que Rik Wouters fit toute son œuvre gravée. Son métier, il le créa lui-même ; il n’avait jamais appris la technique de la gravure mais, avec sa ténacité de Flamand, il chercha et parvint à surmonter toutes les difficultés du métier. Durant cette période, il consacra presque toutes ses soirées à l’eau-forte. Le jour, il peignait et sculptait mais, le soir venu, il s’enfermait dans la chambre-atelier afin de s’adonner librement et en toute tranquillité à sa nouvelle passion – ou bien il s’en allait, le portefeuille sous le bras, dessiner dans le village les sujets qui avaient frappé son attention. » [Nel Wouters]
Intérieur d’aquafortiste, 1908 [A]
 
« Comparons deux œuvres sur le même thème : Intérieur d’aquafortiste, datant de 1908, et une deuxième version, La Table de l’aquafortiste, du début de 1909. À cette époque, Rik Wouters se forme en autodidacte à la technique de l’eau-forte. C’est un travail chronophage et malsain, auquel il se livre généralement après avoir peint et sculpté toute la journée. Ce procédé consiste à graver dans une plaque de zinc ou de cuivre, à l’aide d’un mordant chimique, un dessin qui peut ensuite être imprimé en plusieurs exemplaires. Les deux tableaux sont axés sur le bain d’acide et les flacons, mais leur conception est radicalement différente. En quelques mois, Wouters repense tant le coloris que la composition. Intérieur A est construit en teintes douces et produit un effet intimiste. La lumière scintillante baigne les objets d’un éclat argenté. Au bas du tableau et dans l’angle supérieur droit, des zones plus foncées ourlent le mur du fond jaune et le plateau de la table. L’ombre portée du bain d’acide se fond dans la pénombre du premier plan. Wouters a opté pour une composition en diagonale qui renforce l’impression d’espace. Dans Intérieur B, cependant, il a préféré une présentation frontale, presque parallèle au bord de l’image. Mais, pour jouer sur le contraste, il a placé le bain d’acide de biais au premier plan. L’ombre portée n’est plus noire, mais bleutée, et seule une étroite bande foncée fait ressortir le plateau de la table. Dans la version B, l’intimité chaleureuse de la version A s’est refroidie, se réduisant à un dialogue lumineux bleu et blanc. L’ensemble est rehaussé de quelques accents rouges, orange, verts et jaunes. Le classique Intérieur A s’est transformé en une juxtaposition plus abstraite de tons purs. L’impressionnisme tourne à l’expressionnisme ou au fauvisme – terme utilisé pour désigner une révolution de la couleur. C’est cette piste que Wouters va explorer dans sa courte vie de peintre. » [Audioguide des Musées royaux des beaux-arts, expo Rik Wouters, 2017]

La tête dEdgard Tytgat par Wouters n’a rien de spécial – cest juste pour indiquer aux distraits que le peintre sculpte aussi (cf. sa Vierge folle au musée dXL). Vous savez que le taulier aime (et cherche partout) le méta ; il voit donc une métaphore de la vision (la peinture comme trou noir ? tache aveugle ?) dans cet Autoportrait au cache-œil (1915) de Wouters
De même pour la Femme en noir lisant un journal (1912) ci-dessous, dont la double page blanche semble renvoyer à la matérialité de la toile, presque abstraite, vierge, en attente des idées et des plans de lartiste. Tout est brouillé – comme les reflets dans le miroir – cette œuvre est une tuerie qui fait chavirer le taulier, sa journée est déjà réussie, après un circuit de dix minutes !
Ci-dessous un Vantongerloo, pas vraiment détendu, qui s’autoreprésente, l’œil (méta)perçant
Non loin, un autre Vantongerloo et un Servranckx qui se répondent, géométriques jusquà la typographie
33 points au Scrabble – Magritte se marie en 1922
Belgian artists at the home of Victor Servranckx (June 1922); from left to right: (top) René Magritte, E.L.T. Mesens, Victor Servranckx, Pierre-Louis Flouquet, Pierre Bourgeois; (bottom) Georgette Berger, Pierre Broodcoorens, Henriette Flouquet
Spilliaert en auto-représentation aquarelle
Portrait de Walter Mehring (1925), George Grosz
Jaime bien cette tête lunaire dintellectuel fumant (vous avez dit Neue Sachlichkeit ?)
Jespers en deux formats – quelle moue !
Une sculpture de Jean-Paul Laenen – nous avions apprécié aussi celle qui est présente dans la maison de Jules Lismonde
Disséminés ça et là, des tableaux de maîtres anciens, qui nont rien à voir (?) avec la galerie des Modernes – mais le taulier sen moque, il apprécie toujours les « belles choses », même décontextualisées.
Cette madone de Dieric Bouts est-elle gracieuse ?
Le Bruegel (désormais sans lettre "h") ci-après est-il une reproduction photographique sous verre ? (qui attend un jet de purée, de peinture, de soupe aux tomates – ou des ecowarriors aux mains pleines de glu ?)
Les fouetteurs de toupies mont évoqué Lo. – notre champion de diabolo préféré
Encore quelques méta-photos ci-dessous : elles insistent sur les coulures de sang du Christ – métaphores bien connues de la matière peinture elle-même (et du talent de lartiste à transcender celle-ci — cf. le magnifique livre que Guillaume Cassegrain leur consacre plus bas)
La langue française nest pas très présente sur les murs, cartels et descriptifs divers.
Nous prenons un escalier pour descendre un étage
On arrive là

... avec plein de choses intéressantes dans les vitrines
... dont Cuisinière, boucher et garçon à une table, de P. P. Rubens 
Georges Minne et la Solidarité – étrange tango...
Les lecteurs de ce blog connaissent lamour du taulier pour Minne depuis sa découverte de LHomme à loutre – version Ca Pesaro à Venise (où le socle de la statue se transforme en statue, puis en eau, selon un cycle horloger vertical, allant de la matière brute du marbre vers l’outre et la tête de lhomme (qui émergent grâce au génie de l’artiste), cycle redescendant, éternel retour, vers la terre du socle, sous forme dure et liquide à la fois, lequel socle, etc.)
(trois autres illus aux deux tiers de ce fichier autoréférent-ci)
Rodin, ci-dessous, et sa Cariatide tombée portant sa pierre, 1912, est tout aussi méta que le Minne – car le cube supérieur de matière brute, presque parfait, soppose à la base travaillée de la pièce : une sorte davant/après inversé (par rapport à Minne) : ici le haut est brut, le bas une métamorphose.
Lu par ailleurs ceci (œuvre vendue aux enchères pour 425.000 euros) :

> Au Cercle des Arts libéraux, le public découvre en 1883 « un marbre dune admirable anatomie, exprimant, par une créature accroupie sous un fardeau sidéral, laccablement profond des tristesses et de la désespérance, comme la désillusion davoir regardé de trop près les mystères des astres qui écrasent les téméraires ». (Edmond Jacques, Beaux-arts. Exposition des Arts libéraux, L'Intransigeant, 7 mars 1883, p. 3) 

Exécutée sous linfluence directe de Michel-Ange, lœuvre paraît à nouveau au Salon de 1886 ou Emile Michelet lassimile à « une cariatide de je ne sais quelle mystérieuse et inéluctable archivolte ».

Cette expression de la souffrance de lêtre dont la force nest pas à la mesure de sa volonté trouva un large écho auprès du public, expliquant le succès de cette figure symboliste.

Rodin la considérait lui-même comme lune de ses sculptures les plus réussies (...) Lœuvre est alors exécutée tant en marbre ou en bronze, comme en témoigne cette version dédicacée.

Rodin lui trouve une ultime destination en lui trouvant une place de choix dans la Porte de lEnfer, en haut du pilastre gauche.
Je me souviens aussi de son extraordinaire Pensée, ci-dessous
Sinon quelques chefs dœuvre encore, dans les vitrines du Cabinet, dont ce Fra Angelico où un empereur est prié daller... prier ailleurs
Jai eu beau chercher, je ne comprends pas pourquoi Romuald remballe Othon... 
Mais Dieu que les polygones minéraux, en bas à droite, sont beaux ! (Ainsi que les monts/ectoplasmes blancs qui forment comme une île, en haut !)
(Tiens, mieux que le Mont Analogue de René Daumal, le « Mont Ectoplasme » ; il ne me reste plus quà l'écrire)
Une gravure de Goya, ci-dessous (avec des apprentis aviateurs, façon Lilienthal ?)
Et dans le genre envolé, ce cartel qui mattire lœil, où surgit le nom de Paul Van Hoeydonck, limmortel auteur du Fallen Astronaut (plus bas), flanqué ici de sa (jolie) pièce énigmatique « Space Torso »
Le Rover lunaire et la plaque-hommage à Bassett, Charles A., Belyayev, Pavel I., Chaffee, Roger B., Dobrovolski, Georgi T., Freeman, Theodore C., Gagarin, Yuri A., Givens, Edward G. Jr., Grissom, Virgil I., Komarov, Vladimir M., Patsayev, Viktor I., See, Elliot M. Jr., Volkov, Vladislav N., White, Edward H. II et Williams, Clifton C. Jr.
Un Rembrandt Bugatti aussitôt photographié et envoyé à R. & A. – antiquaires au Sablon depuis 100 ans – qui apprécient cet artiste. On enchaîne avec lexpo temporaire au Cabinet d’arts graphiques consacrée à Ferdinand Louis Berckelaers – pardon, Michel Seuphor (Orpheus) – né en 1901 dans la ville où nous sommes (et mort à Paris en 1999).
Cercle et Carré
Une série de pseudo-fenêtres mises en valeur par lobscurité des salles du Cabinet (le taulier vient par ailleurs de recevoir le livre ci-dessous, lequel il recommande chaudement à tous les amateurs dart qui aiment ce formidable sujet – il accompagnera un ouvrage équivalent, publié en anglais, où figure une contribution de notre maître à tous, Victor Stoichita)
Les lignes de Seuphor évoquent au taulier certains travaux de Marc-Antoine Mathieu
Nous descendons encore – vers les chefs-d’œuvre de la collection Ensor 
Attention, séquence Butterflies in the stomach
Théâtre de masques (et détail ci-dessous) – il y a bien du Turner dans les lumières dEnsor (comme le notent plusieurs critiques), même dans ses intérieurs
... Deux chutes bien connues dAnges rebelles...
(encore une idée : demander à certains étudiants de la Cambre dimaginer un panneau routier : « Danger, chute danges rebelles ») 
Je collectionne les images qui mettent en scène des chiffres et des nombres – ces Bains à Ostende (ville natale de lartiste et du taulier) sont parfaits (détail) 
Squelettes se disputant un pendu
Trois des Ensor préférés du taulier (au KMSKA) sont là
Commençons par les Azalées, peintes par Ensor à l’âge de 65 ans (plus ou moins) — alors que la majorité de ses « grandes œuvres » le furent entre 20 et 30 (ans)
... Certes, comme l’écrit Muriel de Crayencour ici : « Azalées, c’est toute la fraîcheur d’un bouquet dans un panier, le contraste audacieux entre le rose des fleurs, le rouge piquant du panier et le jaune d’un napperon. Le sujet a disparu au profit de la jubilation du mélange des couleurs ». Mais ce qui fascine le méta-taulier, c’est le détail en haut à gauche, où le peintre se représente en train de peindre... la Vierge (?) avec palette et chevalet : serait-ce une variation sur le thème de l’Anonciation ?

La maison ne connaît qu’un Zurbarán qui fasse la même chose – elle (la maison) s’en trouva autant bouleversée à Anvers avec les Azalées qu’elle le fut à Bruxelles [au Palais des beaux-arts (BOZAR) in illo tempore] avec cette crucifixion...
Cristo crucificado, con un pintor, hacia 1650, museo del Prado, Madrid
... ledit pintor étant Saint Luc – sous les traits présumés de Zurbarán himself...

On passe aux Chinoiseries
Ici aussi, tableau dans le tableau en haut à gauche (et scène de l’éventail – mises en abyme de lart de peindre ?), objets morts et vivants, masques et monstres, pêcheur (?) péchant dans les plis dune nappe (deau ?) bleue... 
Troisième tableau, les Fleurs et légumes, ci-dessous
Je me suis demandé plusieurs fois si je rêvais ou si des figures archimboldesques avaient discrètement été composées par Ensor. Je vois ci-dessus un personnage moustachu assis à droite, sur la table, ayant des mains et des poignets en forme de tubercules... Pareil au-dessus de la cruche bleue : y a-t-il un profil vaporeux ? Et si vous regardez bien le Théâtre de masques (ci-dessous), voyez-vous une grosse tête ronde et pâle au centre, les yeux levés sous un chapeau vert ? Mystère... Les travaux dEnsor ont le mérite de faire travailler limagination !
Ci-dessus, LÉtonnement du masque Wouse, avec son magnifique rectangle verdâtre abstrait...
Il faudrait commenter tous les autres détails pendant des heures... Mais qui est Wouse ? Un squelette (avec morve) affublé dun déguisement pour se rendre au carnaval dOstende ?

Il y a, au cœur de lexpo, comme une chapelle laïque où tourne un court-métrage... scolaire. Cest un lieu propice à la lecture des emails et aux bavardages intimes

P. vérifie que le grand tableau au-dessus delle est bien de Kiefer (oui) puis nous sortons déjeuner en face chez Den Artist (encore une tuerie, la meilleure table sest libérée pile quand nous entrions). Nous naurons même pas vu un tiers des œuvres exposées au KMSKA en trois heures trente ! Nous reviendrons – ne fut-ce que pour notre jeune Agnès préférée...



Quelques textes (trouvés sur Internet et sur le site du KMSKA)

> En avril 1926, la revue ostendaise La Flandre Littéraire publie un recueil de textes écrits par James Ensor entre 1921 et 1926. Dans cet ouvrage se trouve une variante du célèbre Questionnaire de Marcel Proust, une liste de questions dont plusieurs versions circulent à la fin du XIXe siècle. Très en vogue en tant que jeu de société, il s'agit en réalité d'un test de personnalité. Ensor modifie légèrement la version de Proust qu’il appelle lui-même une interview, un genre journalistique relativement jeune à l'époque.

Ma qualité favorite
L'illusion du grand.

Mon principal défaut
La nonchalance.

Mon occupation préférée
Illustrer les autres, les enlaidir, les enrichir.

Mon rêve de bonheur ?
Blesser les Philistins avec une mâchoire de chameau.

Mon plus grand malheur
L'indécision, l’horreur de l’exposition.

Ce que je voudrais être
La femme de Mathusalem.

Le pays où je désirerais vivre
La Cocagne. Le pays de Narquoisie. Le joyeux pays des Marolles.

La couleur que je préfère
Cuisse de nymphe émue, rouge anglais, postérieur de macaque roséolé.

La fleur que je préfère
Le lys greffé sur pissenlit. L'iris. Le bleuet coquelicoté.

Animal que je préfère
Le crabe enragé. Le blaireau. Le papillon. L'hermine. Le Plithofritocinocampophotobarbeaumussidextrospiliomekostinko. Le spurlut batailleur. Le général Boum et autres.

L’oiseau que je préfère
La poule faisanne. La caille sur canapé. La grue.

Mon auteur favori en prose
Colette, Gyp, George Sand. Les précieuses ridicules.

Mon poète favori
Claude Bernières, Madame de Noailles, Madame Eugène Van Outryve-d'Ydewalle, la Syrène.

Mon peintre favori
Madame Emma Lambotte, Madame Vigée-Lebrun, Marguerite Van Eyck, Angélica Kaufmann, Rosa Bonheur.

Mon compositeur favori
Mimi Pinson, Lala Vandervelde, Gabrielle Remy.

Mon héros favori dans la fiction
Vilain XIII, Orlando Furioso, Ratapoil, Tartarin.

Mon héroïne favorite dans la fiction
Bradamante, Marphise.

Mon héros dans la vie réelle
Le joyeux curé de Meudon. Le roi Dagobert.

Mon héroïne dans la vie réelle
Madame de Pompadour. Isabelle la catholique. Madame Putiphar. Héloïse. Mademoiselle de Sombreuil. Parysatis l’écorcheuse d’eunuques.

Boisson et nourriture que je préfère
Petit bleu, pain gris, oranges, choux rouges, fruits verts, nez de curé, les soupirs de nonnes.

Mes noms favoris
Claire, Rose, Blanche.

Ce que je déteste le plus
La tête de veau Rachel et l'huile de foie de morue. Les destructeurs de sites. Les inquisiteurs. Les vagues savants orgueilleux. Les vivisecteurs gavés de cruauté, bouffis de suffisance et d'insensibilité profitable.

Caractère historique que je méprise le plus
Joseph, Torquemada, Ponce Pilate.

Le fait militaire que j’admire
L'enlèvement des Sabines. Le Siège d'Ostende.

La réforme que j’estime le plus
La réforme d’une mauvaise constitution décrépite.

Le don de la nature que je voudrais avoir
Le don de double vue.

Comment j’aimerais mourir
Comme puce écrasée sur blanc sein de pucelle

État présent de mon esprit
Chemine, vagabonde, cabriole, califourchonne, caracole.

Fautes qui m’inspirent le plus d’indulgence
Fautes d’orthographes

Ma devise
Les suffisances matamoresques appellent la finale crevaison grenouillère.
___
P.-S.
Des explications érudites sont données ici aux questions/réponses d’Ensor
_____________________________________________________________________________

Encyclopédie Universalis

ENSOR JAMES
(1860-1949)

Introduction

Artiste d’exception, Ensor, peintre et graveur belge, atteint la pleine maîtrise de ses moyens dès l’âge de vingt ans, mais sa prodigieuse imagination créatrice semble se tarir avant le tournant du XXe siècle. On a comparé sa carrière à un film montrant à l’accéléré près d’un demi-siècle de peinture, allant du naturalisme à l’expressionnisme et au surréalisme en passant par l’impressionnisme, le symbolisme et le fauvisme. On ne peut donc associer son nom à un style pictural défini ; il les transcende tous. Il n’a pas davantage élaboré de théorie artistique, mais a assimilé, en se jouant de leurs limites, toutes celles qui se sont succédé. Méconnu pendant ses années de génie, il fut fêté dans sa vieillesse, alors qu’il ne faisait que se survivre. Bien qu’il n’ait pas formé d’élève, tous les peintres belges contemporains se reconnaissent une dette à son égard. Son influence fut très grande dans les pays germaniques et nordiques ainsi qu’aux États-Unis. Il fut le « précurseur » de nombreux peintres : Frits Van den Berghe et Alechinsky, Nolde, Heckel, Grosz, Kubin, Klee, Jorn... Peintre des masques et des squelettes, individu solitaire, tourmenté par ses démons, il incarne l’inquiétude moderne, l’esprit de provocation, le conflit entre l’artiste et la société. Ses incursions dans le fantastique, sa fuite hors du réel touchent la sensibilité contemporaine plus que l’évasion d’un Gauguin vers un Éden mythique. Psychologues et psychanalystes se penchent sur le mystère de son brusque déclin, tandis que le message de ses jeunes années prend une signification universelle.

Ensor et son temps

James Sydney Ensor est né à Ostende d’une mère flamande et d’un père anglais qui, grand bourgeois cultivé, finit par devenir un raté. Sa famille tint longtemps une boutique de coquillages, d’objets exotiques et de souvenirs, qu’Ensor conserva plus tard en tant que décor insolite et chargé de sens. Il vécut « rivé à la mer », subjugué par sa lumière changeante. Ses débuts furent brillants mais très discutés. Dès 1881, il expose à Bruxelles qui devenait alors un centre artistique et littéraire très ouvert aux apports nouveaux. En 1884, il compte parmi les fondateurs du «  groupe des XX », cercle d’avant-garde qui allait exposer Seurat, Gauguin, Van Gogh et Cézanne. À maintes reprises, les œuvres d’Ensor font l’objet d’attaques violentes. Cette même élite intellectuelle, qui prône l’audace et la liberté, condamne le mélange de bouffonnerie et de cauchemar qui caractérise le génie d’Ensor, mélange dont il n’existe d’équivalent que chez Goya. L’influence des néo-impressionnistes français sur la peinture belge le rejette dans l’isolement pendant plusieurs années. Ensor se révèle alors anxieux, irascible, agressif. Cependant Verhaeren et Edmond Picard, le poète Grégoire Le Roy, l’écrivain Eugène Demolder le défendent avec lucidité, et, en 1899, un numéro spécial de la revue française La Plume lui est consacré. Des visiteurs étrangers trouvent le chemin de sa maison. Après la Première Guerre mondiale, des mécènes anversois mènent campagne en sa faveur et créent une salle Ensor au musée d’Anvers, qui possède aujourd’hui plus d’une quarantaine de ses peintures. Le succès vient lentement et puis, brusquement, c’est la gloire. En 1929, Ensor est élevé à la baronnie. Vieillard choyé, « doré sur tranche », goguenard, il dissimule, sous les feux d’artifice de ses discours, les lézardes de son génie. L’une de ses phrases à l’emporte-pièce est souvent citée : « Les suffisances matamoresques appellent la finale crevaison grenouillère. »

Du naturalisme au surréalisme

On a coutume de diviser l’œuvre de jeunesse en une période sombre ou réaliste (1879-1882) et une période claire, évoluant vers un irréalisme fantasque qui connut son apogée de 1887 à 1893. À vrai dire, les périodes et les manières se chevauchent. Pendant quelques années, après avoir quitté l’Académie de Bruxelles où il a passé trois ans, il peint effectivement des pêcheurs aux formes solides, il traite les natures mortes au couteau à palette, prestement, en une pâte grasse chère aux maîtres flamands du XIXe siècle. Mais, parfois, les tons purs s’opposent hardiment, et bientôt les objets seront choisis en fonction de leurs couleurs claires, de leurs formes chantournées. Les coquillages et les porcelaines chinoises seront les plus aimés. Des années d’Académie datent déjà des scènes bibliques, influencées par Rembrandt et touchées par le fantastique. Turner et Goya lui ouvrent ensuite des voies divergentes. La Coloriste (1880), La Mangeuse d’huîtres (1883) sont des tableaux clairs. Les intérieurs bourgeois, comme La Musique russe (1880) et l’Après-midi à Ostende (1881), mêlent l’ombre à la clarté, réduisant les éléments à une unité atmosphérique que Paul Fierens considère comme essentiellement et spécifiquement impressionniste. Cependant, peu à peu, et surtout à partir de 1886, la lumière, qui avait été l’auxiliaire objectif de la réalité, devient la substance de l’œuvre. Absorbant les contours, effaçant toute frontière entre la vie et le rêve, elle se fait l’instrument d’une subjectivité exacerbée, différant par là de la lumière des peintres contemporains français. On dira d’Ensor qu’il pousse l’impressionnisme jusqu’au tachisme. La Chute des anges rebelles (1889), La Tentation de saint Antoine (1887) sont en effet tachistes et plus que fauves. Puis la ligne s’insère de nouveau dans la couleur, une ligne sinueuse, tantôt serpentant en arabesques qui procèdent de motifs chinois et japonais mais annoncent l’Art nouveau, tantôt brisée et saccadée, tantôt bouclée. Un certain nombre de tableaux semblent avoir été retravaillés après leur première exécution et les additions y introduisent des éléments fantastiques. Enfin, dans son âge mûr, Ensor a répété ses œuvres de jeunesse, mais sa main est devenue lourde et les effets sont forcés. Subsiste toutefois une fraîcheur de palette tantôt nacrée, tantôt acide et provocante.

Les thèmes

C’est dans le contexte du symbolisme que se comprennent le mieux les grands thèmes ensoriens : le masque, le Christ, le squelette, l’autoportrait ; mais leur portée dépasse les limites historiques d’un mouvement littéraire et artistique tout en adhérant étroitement à la subjectivité de l’artiste. Éros – les problèmes sexuels d’Ensor – et Thanatos – la terreur et la fascination de la mort dont Ensor est la proie – imprègnent tout l’œuvre. Le masque, d’abord ornement, ne tarde pas à devenir humain. Être dérisoire et terrifiant, il modifie les limites de l’individu et fait régner l’ambiguïté. Des Masques scandalisés (1883) aux Masques singuliers (1891), en passant par l’Étonnement du masque Wouse (1889), La Vieille aux masques et le Peintre entouré de masques, on en vient aux masques de chair des Péchés capitaux et des Bons Juges. Un tournant psychologique capital est indiqué dans une série de dessins, Les Auréoles du Christ ou les Sensibilités de la lumière (1885-1886). La figure mythique du Christ correspond au moi idéal ensorien. L’Entrée du Christ à Jérusalem (dessin) mène à L’Entrée du Christ à Bruxelles (1888), l’œuvre la plus retentissante d’Ensor, bouffonnerie ubuesque, mais aussi allégorie symboliste et manifeste de la peinture moderne. Quant aux squelettes, qui trahissent l’obsession de la mort, ils se mêlent aux masques, ils se font démons pour tourmenter le Crucifié, ils se juxtaposent aux autoportraits, mais ils sont aussi des parias misérables autour d’un poêle éteint (Squelettes voulant se chauffer autour d’un poêle, 1889). Les sujets satiriques et fantaisistes sont également légion. Des tableaux charges s’en prennent aux critiques d’art, aux médecins, aux gendarmes, avec une hargne grossière, presque triviale. En vieillissant, Ensor sera tenté par le théâtre et composera la musique, les costumes et les décors d’un opéra-ballet, La Gamme d’amour. Tout au long de sa vie, il fut aussi paysagiste, peintre de la mer et des dunes. Paradoxalement, ses plus beaux paysages luministes sont des eaux-fortes. Son œuvre gravé compte d’ailleurs cent trente-trois planches, à propos desquelles on peut évoquer Callot et Goya. [Francine-Claire LEGRAND, « ENSOR JAMES - (1860-1949) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 27 novembre 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/james-ensor/]

 _______________________________________________________________________

La Tribune de l’Art

Texte et photos de Didier Ryckner, fondateur de la Tribune de lArt

(...)

[La scène est à trois personnages. Le chef et deux collaborateurs. Évidemment, cela va sans dire, cette petite pièce est une pure invention. En revanche, le résultat est exactement ce qui y est décidé, comme le démontrent nos photos.]

A : Bon, je propose que nous commencions. Quelle est l’idée générale ?

B : Si on n’exposait que peu de tableaux ? On a des très beaux murs, ce serait dommage de les cacher (ill. 8). Et puis il faut penser au public. Il ne faut pas l’ennuyer avec toutes ces œuvres. C’est notre responsabilité de lui plaire et de lui donner envie de revenir.

8. Salle au début du parcours d’art ancien du Musée des Beaux-Arts d’Anvers
avec son accrochage extrêmement peu dense pour laisser voir les murs
(d’un beau mauve, admettons-le), avec les banquettes anciennes conservées

C : Euh, mais c’est tout de même le rôle du musée de montrer des œuvres non ? Et puis on a augmenté la surface d’exposition de 40%...

A : Ne soyez pas réactionnaire, je vous en prie. Non, il a totalement raison. Il faut être inclusif et ne pas rebuter ceux qui ne s’intéressent pas aux tableaux. Ils ont droit aussi de visiter le musée. L’augmentation des surfaces, c’est pour aérer, pour rendre la visite plus agréable...

B : Et si on faisait un espace de réalité virtuelle ? En plus, ça plait aux jeunes la réalité virtuelle. Ils vont se précipiter…

A : Excellente idée ! On va réquisitionner une salle pour installer des casques, et on leur montrera l’atelier d’un peintre au XVIIe siècle (ill. 9). C’est culturel non ?

9. Salle de la réalité virtuelle dans le parcours d’art ancien 
du Musée des Beaux-Arts d’Anvers

C : Euh, toute une salle pour quelques casques ?

A : Ah ne nous cassez pas les pieds. On mettra des jolis dessins sur les murs… Mais ça fait encore trop de salles. Même en accrochant large, c’est trop grand.

B : Et si on faisait des projections sur les murs de détails de tableaux de la collection (ill. 10 et 11) ? En France, ça plaît beaucoup ! L’atelier des Lumières fait un tabac avec ce concept. Et on rajouterait de la musique aussi. Comme eux. Mais avec nos œuvres. C’est une occasion à ne pas rater. Et ça prendra une grande salle où on n’aura pas besoin d’accrocher des tableaux !

10. Salle de projection de détails d’œuvres dans le parcours
d’art ancien du Musée des Beaux-Arts d’Anvers

11. Salle de projection de détails d’œuvres dans le parcours 
d’art ancien du Musée des Beaux-Arts d’Anvers

A : Très bien, très bonne idée !

C : Euh…

A : Il n’y a pas de euh… qui tienne. Vous êtes contre la modernité décidément vous. Allez, de l’imagination. Il nous faut encore une salle en moins !

B : J’ai une idée, j’ai une idée !

A : Mais vous êtes précieux mon petit… Je vous écoute.

B : Une salle avec plein d’écrans télé, et sur ces écrans télés… des tableaux de la collection (ill. 12) !

12. Salle avec quelques postes de télévision dans le parcours 
d’art ancien du Musée des Beaux-Arts d’Anvers

A : Mais où allez-vous chercher tout ça ? C’est formidable comme concept. Je prends. Bon, on a déjà rempli trois salles. Mais on va faire quoi des autres ?

C : Euh, on y installe des tableaux ?

A : Oui, bon, d’accord, vous avez gagné. Mais pas trop, n’oubliez pas !

B : Et si on mettait des écrans tactiles dans certaines salles pour analyser des tableaux (ill. 13) ?

13L’Adoration des Mages de Rubens 
avec le dispositif de borne interactive

A : Mais bien sûr, bien sûr. C’est très populaire aujourd’hui. Et vous y mettriez quoi ?

B : Des témoignages de gens qui diraient ce qui leur passe par la tête ?

A : Attention, pas trop scientifique, sinon on va perdre notre public.

B : Pas du tout, j’ai eu une idée : filmer des témoignages de gens qui n’y connaissent rien.

C : Euh…

A : Mais c’est GÉ-NIAL !

B : Par exemple, on ferait venir une travailleuse du sexe pour parler de la Scène de bordel de Joachim Beuckelaer (ill. 14).

14. Travailleuse du sexe en pleine explication
de tableau sur une borne interactive

A : Attendez, là vous me perdez : elle s’y connaît en sexe non ?

B : Oui mais elle ne connaît rien à la peinture, c’est un regard frais sur une œuvre qui, franchement, est un peu vieillotte…

A : Ce n’est pas faux…

B : Et on ferait venir un ornithologue pour parler des anges de Memling (ill. 15 et 16),

A : C’est une bonne idée… Mais pourquoi un ornithologue ?

15. Ornithologue en pleine explication de tableau sur une borne interactive


16. Ornithologue réaliste en pleine explication de tableau sur une borne
interactive réalisant que sa profession ne lui est pas d’une grande utilité
dans cet exercice

B : Mais parce que les anges ont des ailes bien sûr !

C : Euh…

A : Vous ce n’est pas le moment. On travaille…

B : Et on interrogerait aussi des enfants et des jeunes pour leur demander ce qu’ils voient sur le tableau…

C : Euh, excusez-moi, mais est-ce que ce n’est pas notre rôle d’expliquer l’iconographie et le sens du tableau, plutôt que de le demander à des enfants qui n’y connaissent rien ? Car c’est bien le principe que vous avez édicté non ?

A : Et voilà ! Tout de suite les grands mots ! Iconographie… Vous avez un mauvais esprit…

B : Les enfants doivent s’exprimer ! Je suis sûr qu’ils auront des choses passionnantes à raconter. Et j’ai un artiste aussi. Rinus Van de Velde (ill. 17). Il comparera l’œuvre de Rubens et la sienne. Mais en toute modestie bien sûr. Et un conseiller en deuil, qui va venir nous expliquer que La Dernière communion de saint François de Rubens représente une personne qui prend congé de la vie (ill. 18). C’est très puissant.

17. Artiste contemporain se comparant modestement 
à Rubens sur une borne interactive


18. Conseiller en deuil tentant de réconforter la famille 
de saint François d’Assise (avec un succès mitigé)

A : Bon, tout ça c’est très bien. Mais il y a quelque chose qui m’ennuie un peu…

B : Quoi donc ?

A : Nous sommes un musée, c’est déjà un peu problématique. Mais en plus un musée belge. Léopold II, la colonisation, tout ça tout ça, on va nous reprocher de ne pas en parler.

B : Mais si.

A : Comment ça mais si.

B : J’ai tout prévu ! On a Ikraaan. J’ai déjà tourné la vidéo.

A : I quoi ?

B : Ikraaan voyons, avec trois a, c’est la reine de la soul venue de Flandre.

A : Ah…

B : Et pour n’y rien connaitre, elle n’y connaît rien ! De son propre aveu, elle n’avait jamais mis les pieds avant dans un musée.

A : Très bien ça, c’est justement ce que je veux ! Des regards neufs.

B : Mais ce n’est pas tout : on lui a demandé de parler de la Vierge entourée de séraphins et de chérubins de Jean Fouquet, peinte sous les traits d’Agnès Sorel. Et elle a été très nature et très franche.

A : La franchise, ça paye toujours !

B : Elle se compare à Agnès Sorel car elle « est également une personne qui suit son idée, et qui ne se soucie absolument pas de ce que les autres pensent »

A : Bravo !

B : Et elle ajoute que c’est difficile parce qu’elle ne se sent pas chez elle ici.

A : Qui ? Agnès Sorel ?

B : Mais non ! Ikraaan !

A : Mais pourquoi ? Elle n’est pas flamande ?

B : Si, elle est flamande mais d’origine somalienne.

A : C’est très bien ça ! Il fallait le dire avant. Et elle ne se sent pas chez elle car les Belges sont d’horribles colonialistes ?

B : Exactement ! Selon ses propres termes, elle ne se sent pas chez elle « en raison du passé colonial et du racisme de ce pays » (ill. 19 et 20).

19. Ikraaan, déracinée


20. Ikraaan dénonçant le passé colonial et le racisme 
de la Belgique au Musée des Beaux-Arts d’Anvers

A : Elle a tout à fait raison. Moi j’ai honte de ça, j’espère que vous aussi vous avez honte. Pouvoir donner un témoignage comme celui-ci ne nous absout pas, certes, mais c’est mieux que rien. C’est très bien tout ça, c’est très bien.

B : On a aussi une conservatrice qui vient nous dire que le portrait d’Agnès Sorel est très moderne.

A : Ah j’aime mieux ça, je trouvais ça un peu vieillot…

B : Elle dit aussi que le couleurs sont « trop vives et les personnages trop rigides » (ill. 21)...

21. Conservatrice du Musée des Beaux-Arts d’Anvers
faisant la fine bouche devant le tableau de Jean Fouquet

A : Oui elle n’a pas tort, je me suis dit ça aussi. Vous êtes sûr qu’il faut l’exposer ?

C : Euh…

B : Ah oui, on a déjà enregistré le témoignage d’Ikraaan

A : C’est vrai vous avez raison. Tant pis, on garde Agnès Sorel. Bon, le point suivant. Ce n’est pas tout d’avoir peu d’œuvres. Le problème c’est que les visiteurs risquent de s’ennuyer. Vous avez prévu quoi en plus ?

B : Là je sens que ça va vous plaire. On a plein de surprises, pour les petits et pour les grands. Des dromadaires mauves d’abord, dans la salle Rubens (ill. 22 et 23).

22. Dromadaire mauve dans une salle Rubens
au Musée des Beaux-Arts d’Anvers


23Adoration des Mages de Rubens où l’on voit distinctement 
à l’arrière-plan deux dromadaires (mais pas mauves)

A : Des dromadaires mauves ?

B : Oui ! Des dromadaires comme dans L’Adoration des Mages de Rubens. Et ils sont mauves. Comme les banquettes.

A : Astucieux ça, les enfants vont adorer !

B : C’est certain. Et ils vont aussi adorer le crâne de dinosaure grandeur nature (ill. 24 et 25).

24. Salle du Musée des Beaux-Arts d’Anvers avec plein 
de tableaux et un crâne de dinosaure en plastique


25. Crâne de dinosaure en plastique dans 
une salle du Musée des Beaux-Arts d’Anvers

A : Le crâne de dinosaure ? Il y a des dinosaures dans les tableaux de Rubens ?

B : Non, cette fois c’est dans une salle où on trouve un tableau de Frans Floris, un autre de Jan Brueghel II, un Salvator Dali, un retable catalan du XVe siècle…

A : Mais c’est quoi le thème de cette salle ?

B : Le Mal !

A : Le Mal ? Mais les dinosaures ils sont gentils, vous l’avez dit d’ailleurs, les enfants les adorent.

B : Ah... Oui. Sans doute. Mais on va le mettre où alors ce crâne de dinosaure ?

A : Bon ce n’est pas grave, laissez-le là, on verra plus tard. Et vous avez quoi encore comme surprise ?

B : Une grande main rouge qui tourne (ill. 26) !

26. Grande main rouge qui tourne dans une salle 
du Musée des Beaux-Arts d’Anvers 
(mais là c’est une photo, on ne voit pas qu’elle tourne)

A : Une grande main rouge qui tourne ?

B : Oui. Une grande main rouge qui tourne !

A : Mais pourquoi une grande main rouge qui tourne ?

B : Je ne sais pas. J’ai trouvé ça rigolo une grande main rouge qui tourne.

A : Et vous avez raison ! En plus c’est original, je n’ai encore jamais vu dans un musée de grande main rouge qui tourne. Au moins ça va faire parler. C’est très bien.

C : Euh…

A : Ah ça va bien vous avec votre mauvais esprit. Quoi d’autre encore ?

B : Un grand rocher rouge (ill. 27).

A : Qui tourne ?

B : Ah non, lui il ne tourne pas.

27. Grand rocher rouge qui ne tourne pas 
dans une salle du Musée des Beaux-Arts d’Anvers

A : C’est dommage. Mais bon. En tout cas, on a bien avancé. Félicitations. Et pour les journalistes, ne lésinez pas sur les qualificatifs dans le dossier de presse. Tiens, je propose : « Invitant, Rebelle, Ludique, Diversifié, Féérique, Captivant ». On va frapper un grand coup. Louvain n’a qu’à bien se tenir.

[Ils se lèvent.]

B : Attendez, attendez, j’ai gardé le meilleur pour la fin [il pouffe].

A : Nous vous écoutons !

B : Il y a une salle avec un petit Jan Steen, c’est une fête de mariage...

A : Et ?

B : Et ils sont tous saouls !

A : Et ?

B : On met le tableau de travers (ill. 28).

28. Un tableau d’Adrian Brouwer mis de travers 
parce que les protagonistes peints ont un peu trop bu 
(et le régisseur aussi, sans doute)
 A : Ah ?

B : Vu qu’ils sont tous saouls !

A : Excellent !

C : Euh...

__________
Didier Rykner dans La Tribune de l’Art  

Hareng saur / Art Ensor

James Ensor
Je sors, amen

La visite du MUHKA bientôt ici.



Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Beautés ?

Underline, reproduce

Le tripalin se présente