Fukase, Jomon, crétins des Alpes et surréalisme suisse






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2 décembre 2018, 11:00

Arts : le Japon préhistorique cultive son mystère

Une exposition à la Maison de la culture du Japon témoigne de l’art sophistiqué de la période Jomon.
Sylvie Kerviel (Le Monde), publié le 28 novembre 2018


« Vénus Jômon » en terre cuite haute de 27 centimètres, 
Jômon moyen (-3000 – -2000), Chino City, Nagano

On l’avait découverte il y a vingt ans à la Maison de la culture du ­Japon, à Paris. A peine haute de trente centimètres, cette statuette en terre cuite aux hanches généreuses en forme de cœur inversé, aux seins minuscules, au ventre arrondi et aux yeux bridés, était l’une des pièces vedettes de l’exposition « Jomon, l’art du Japon des origines ». On la retrouve aujourd’hui, cette Vénus Tanabatake, dans ce même lieu du 15e arrondissement, au cœur de la nouvelle exposition consacrée à l’art des premiers habitants de l’archipel nippon.

Une soixantaine d’œuvres – figurines anthropomorphes (« dogu ») en argile cuite, jarres, masques, bijoux –, dont plusieurs classées « trésor national », ont été réunies sous vitrine dans une scénographie sobre et élégante. Elles témoignent de la culture et de la spiritualité d’une civilisation préhistorique qui vécut sur l’Archipel de 13 000 à 400 avant notre ère.

Une civilisation pacifique et prospère de chasseurs-pêcheurs-cueilleurs vivant dans des villages, mais ne pratiquant ni l’élevage ni l’agriculture, contrairement aux populations du néolithique, leur environnement étant suffisamment riche en châtaignes, glands, cerfs et sangliers. « C’est à partir du moment où le ­Japon connaît les quatre saisons, à la fin de l’ère glaciaire, que cette civilisation se développe et que sa culture s’enrichit », explique ­Masayuki Harada, commissaire de l’exposition, pour qui cette période s’apparente à une sorte de paradis. La poterie y apparaît bien plus tôt qu’en Europe, et affiche un degré de sophistication étonnant pour l’époque.

Les céramiques les plus anciennes, présentées dans l’exposition, sont des jarres à fond conique au décor sobre, réalisé au doigt, avec des bambous, puis plus tard à l’aide de cordes, technique qui a donné son nom à la période (jo signifiant « corde » en japonais, et mon« motif »). Les plus récentes (– 3 000, – 2 000), à fond plat, révèlent un vrai souci artistique, telle cette jarre en terre cuite à motifs en relief, dont le col est garni d’un décor flamboyant en forme de flammèches. « Ces objets témoignent de l’esthétique préhistorique la plus sophistiquée que l’on ­connaisse », précise le commissaire.

Une autre, datant du Jomon moyen (–3 000, – 2 000), porte sur son flanc une figurine masculine, et la bordure de son col est perforée, laissant supposer l’existence d’un couvercle en peau maintenu par une corde. « J’aime particulièrement cette œuvre,dit Hiromasa Ide, conservateur au Musée national de Tokyo, qui a prêté plusieurs pièces. Elle fut peut-être utilisée comme instrument de musique, ce qui collerait avec l’allure dansante du personnage. Mais on peut aussi imaginer que cette jarre servit à conserver du vin, la gaieté de l’individu traduisant alors une certaine ébriété ! »

Poterie en forme de flamme, haute de 46,5 cm (-3000 – -2000),
Tokamachi City, Niigata 

Beaucoup des pièces présentées dans la deuxième partie de l’exposition gardent ainsi une part de mystère. Faute de certitudes sur l’usage ou la destination de certains objets, les spécialistes émettent des hypothèses. Certaines ont été retrouvées dans des ossuaires, laissant supposer une volonté de communiquer avec l’au-delà.

« Ne pas toucher »
Quelle signification donner à ces statuettes de femmes aux formes opulentes et au ventre gonflé ? S’agissait-il de favoriser la procréation ou des récoltes abondantes ? Pourquoi tant de figurines ont-elles été retrouvées avec un membre ou une partie du corps cassé ? Etait-ce une manière de faire un vœu ? Une statuette porte un masque : quelle en était la signification ? Une autre dite « figurine à lunettes de neige », aux yeux globuleux, se révèle bien intrigante. On ne sait pas non plus pourquoi plusieurs présentent des mains à trois doigts.


La plupart des statuettes sont féminines, mais, parmi elles, se trouve présenté un objet ­phallique (sekibo) en pierre taillée, tellement grand (plus d’un mètre) qu’il est exposé sans vitrine mais avec l’indication « ne pas toucher », afin de dissuader ceux qui voudraient y poser la main… Il s’agissait probablement de garantir une bonne récolte ou une descendance à une époque où la mortalité des enfants en bas âge était élevée.


L’exposition se termine avec des objets du quotidien dont un panier en bois tressé du Jomon moyen, des récipients laqués et des parures d’oreille en pierre taillée et polie, datant du Jomon dit « archaïque » (– 7 000,– 4 000). Tous témoignent d’une maîtrise technique et d’un souci esthétique élevés. « Du plus profond de leur silence originel, ces statues et ces objets – ornements de nacre ou d’os de baleine, bijoux, pierres rituelles, statues de femmes et d’hommes aux visages interrogateurs, aux sourires obliques, masques scrutant notre monde – nous adressent un message civilisateur », commente l’écrivain J. M. G. Le Clézio, en préface du catalogue accompagnant l’exposition. Et nous transportent aux origines de l’esthétique japonaise.

Jomon. Naissance de l’art dans le Japon préhistorique. Maison de la culture du Japon, 101 bis, quai Branly, Paris 15e. Du mardi au samedi de 12 heures à 20 heures. Jusqu’au 8 décembre.
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2 décembre 2018, 11:30

La plus vieille soupe du monde

L'étude des résidus carbonisés de poteries découvertes au Japon montre qu'on y a cuit de la soupe de poisson il y a quelque 15 000 ans.

FRANÇOIS SAVATIER le 09/05/2013 dans Pour la Science

Pour un chasseur-cueilleur, un ptit coin de paradis, c’est un endroit où l'on peut pêcher, chasser et cueillir de façon à y vivre toute l’année. En trouver un, c’est avoir du pot. Or voilà qu’avec des collègues japonais et européens, Oliver Craig, de l’Université de York en Angleterre, a constaté que, quand ils découvraient un tel endroit, les Jōmon y posaient un pot sur le feu pour cuire leur soupe.

Les Jōmons sont un peuple de chasseurs-cueilleurs qui est probablement passé d’Asie du Nord-Est au Japon dans les millénaires qui ont suivi le dernier maximum glaciaire (–18 000 ans). L’océan mondial étant à cette époque jusqu’à 120 mètres plus bas, l’archipel nippon était relié au continent en plusieurs endroits. Leurs cultures successives sont attestées archéologiquement à partir d'environ –14 000 et ont prospéré jusque vers –300. Elles se distinguent par leur sédentarité : les villages jōmons retrouvés comprennent en général une dizaine de maisons familiales sur poteaux de bois sous toitures de branchages, flanqués de bâtiments communautaires et autres silos. Un tel habitat implique que, grâce à leur outillage lithique, les Jōmons étaient capables de trouver assez de nourriture là où ils se fixaient. Ils chassaient en hiver à l’aide de chiens, pêchaient des poissons saisonniers en été et ramassaient des fruits en automne, qu’ils stockaient dans des silos creusés en pleine terre à la périphérie des villages, et sans doute aussi dans des pots. Les cultures jōmones ont en effet été les premières du monde à produire des céramiques, sans doute dès 16 000 ans avant notre ère ; ce sont leurs décors caractéristiques en forme de cordes («jōmon» en japonais) qui leur ont valu leur nom.

O. Craig et ses collègues ont analysé de petits échantillons de matériau carbonisé retrouvé sur 101 céramiques provenant de 13 sites jōmons, couvrant toute la longueur de l’archipel. Situés près de rivières ou de lacs, ces sites du VIIIe au XIIIe millénaires avant notre ère se trouvaient plus loin de la mer qu’aujourd’hui (celle-ci étant alors plus basse) lorsqu’ils ont été occupés. Dans les trois quarts des échantillons, les rapports isotopiques du carbone et de l’azote suggèrent que les pots ont été utilisés pour cuire des animaux aquatiques, probablement des poissons du haut de la chaîne alimentaire. En poussant leurs analyses, les chercheurs ont découvert en outre que les résidus de 57 pots et tessons retrouvés sur deux sites comportaient des acides gras, tels qu'en produit seule l’huile chauffée. En clair, les Jōmons ont cuit des poissons gras dans leurs pots. Lesquels ? Étant donné que chaque année des saumons du Pacifique remontaient leurs rivières pour frayer, l’interprétation la plus évidente semble être, qu’il y a 14 000 ou 15 000 ans, des Jōmons se sont préparé de la soupe au saumon. Bref, la plus vieille poterie du monde a servi à cuire la plus vieille soupe du monde, et c’était une soupe de poisson sans croûtons.
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2 décembre 2018, 11:40

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2 décembre 2018, 11:50

Exposition : la Suisse, l’autre pays du surréalisme
Le Kunsthaus d’Aarau montre comment ce mouvement a influencé l’art moderne,
à travers près de 400 œuvres.

Par Harry Bellet (Le Monde), publié le 29 novembre 2018


« Komposition » (1934), d’Otto Abt.

Il y a du surréalisme en Suisse, on l’a rencontré. Au ­Kunsthaus d’Aarau précisément, dont le musée s’est fait une spécialité d’explorer l’art helvète sous tous ses aspects. Toutefois, le surréalisme n’est pas celui auquel on pense en premier lieu. Certes, le mouvement dada, qui l’a précédé, est né à Zurich. Mais ses protagonistes étaient, pour l’essentiel, des réfugiés fuyant la première guerre mondiale. Hugo Ball était allemand, Marcel Janco et Tristan Tzara roumains, Hans-Jean Arp était né à Strasbourg et seule sa compagne, Sophie ­Taeuber, née à Davos, pouvait revendiquer la citoyenneté.

Elle est d’ailleurs représentée dans l’exposition, avec Arp qui a eu le bon goût de mourir à Bâle. Mais Peter Fischer et Julia Schallberger, les commissaires de cette exposition un peu fourre-tout (il y a près de quatre cents œuvres !), ce qui la rend d’autant plus passionnante, leur ont trouvé bien des complices – il y a soixante-neuf artistes – et certains des plus surprenants.
Meret OppenheimDas Ohr von Giacometti, 1933/77

Meret OppenheimSonne, Mond und Sterne, 1942

Que la Suisse revendique ­Giacometti, Germaine Richier, Meret Oppenheim, Gérard Vul­liamy ou Isabelle Waldberg (ces deux derniers mériteraient amplement, chacun, une rétrospective), rien de plus normal, ils sont citoyens de la Confédération, comme Tinguely du reste, même si on se demande s’il n’est pas hasardeux de le rattacher au surréalisme. Qu’elle annexe Niki de Saint Phalle, née à Neuilly-sur-Seine et morte en Californie, c’est faire preuve d’une trop grande générosité… Toutefois, on l’a dit, les commissaires ont ratissé large, au point qu’il vaudrait mieux parler du surréalisme et de sa descendance, comme le suggère la présence de Markus Raetz ou de Pipilotti Rist. Il s’agit moins de décrire une période historique que de montrer comment le surréalisme a influencé tout un pan de l’art moderne, jusqu’à au­jourd’hui. Et, si on peut juger certains artistes surnuméraires, on serait bien en peine de déplorer un oubli.
« L’Épouvantail charmeur III » (1928), de Jean Viollier

Isabelle Waldberg
Marcel Duchamp tête en bronze sur échiquier en bois sous plexiglas, 1958-78

L’accrochage de l’exposition est savoureux, qui commence par un état de l’art suisse dans les années 1930, lequel n’est pas, à l’époque, des plus avant-gardistes. La Société des peintres, sculpteurs et architectes suisses encourage les pratiques les plus rétrogrades, et cela donne des tableaux affligeants et rétrospectivement rigolos.

Toutefois, une opposition s’organise : en 1933, une quinzaine d’artistes forment le Groupe 33 à Bâle (il perdure jusqu’en 1970 !), mais son influence demeurera locale. Plus vigoureux est le groupe ­Allianz, créé en 1937, par Leo Leuppi et Richard Paul Lohse, mais aussi Hans Erni qui a décidé d’explorer des voies plus radicales. S’y agrégeront, ponctuellement, des Suisses installés à l’étranger comme les Parisiens Le Corbusier et Vulliamy, ou le New-Yorkais Kurt Seligmann.

Kurt SeligmannLa deuxième main de Nosferatu (The Superfluous Hand), 1938

Une réponse au totalitarisme
Paris est le principal refuge des surréalistes suisses. En 1935, un an après Seligmann, Serge Brignoni adhère au groupe formé par André Breton onze ans plus tôt. Mais ils seront bien les seuls : gendre de Paul Eluard, Gérard Vulliamy est membre du groupe Abstraction-Création. Sa peinture ne devient réellement surréalisante que lorsqu’il décide de répondre à sa manière à la montée des totalitarismes : La Trompette de Jéricho, peinte comme l’Hommage à de La Tour ou La Mort de saint Sébastien en 1934, sont deux tableaux puissants qui annoncent des lendemains sombres, que n’égaye pas Le Mystère de la Nativité, peint l’année suivante. Avec une quinzaine d’œuvres, Vuillamy est particulièrement bien représenté dans l’exposition, au point qu’on aimerait en voir d’autres.
Gérard VuillamyHommage à de La Tour ou La Mort de saint Sébastien, 1934

Gérard VuillamyLe Mystère de la Nativité1935

Serge Brignoni, Personnes à la plage, 1930




« La Trompette de Jéricho » (1935), de Gérard Vulliamy. 

C’est aussi le cas d’Isabelle ­Waldberg qui, avec son mari, le critique et historien d’art franco-américain Patrick Waldberg, fut proche de Georges Bataille, et aussi d’André Breton et de Marcel Duchamp, qu’elle fréquenta à New York où la guerre les avait exilés. Les quatre sculptures réunies à ­Aachau ne sont pas bien grandes, mais elles sont monumentales : une Construction en bois, de 1945, et surtout un Animal, bien plus tardif, puisque réalisé en 1968, sont deux petits chefs-d’œuvre d’une modernité incroyable, au point qu’on se demande si certains grands noms de l’art contemporain ne les ont pas longuement médités… Pour tout cela, cette exposition était nécessaire. Et pour une autre raison encore : si l’histoire du surréalisme en France, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou en Belgique a été largement ­défrichée, celle de son impact en Suisse ­restait à faire : le chantier est bien entamé.
Isbelle Waldberg, Construction, 1943

« Surréalisme Suisse ». Kunsthaus, Aargauerplatz, Aarau (Suisse). Tél. : +41-62-835-23-30. Jusqu’au 2 janvier 2019.
Harry Bellet (Aarau (Suisse)
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2 décembre 2018, 12:00

Boxe (on vous présentait le spectacle ici) : nul entre Tyson Fury et Deontay Wilder pour le titre WBC des poids lourds.

C’est un combat entre deux boxeurs invaincus qui a eu lieu samedi soir au Staples Center de Los AngelesLe Monde avec AFP.

Cette rencontre n’aura pas réussi à départager les deux boxeurs invaincus.

Le choc très attendu entre l’Américain Deontay Wilder, champion WBC des poids lourds de boxe, et le Britannique Tyson Fury s’est soldé par un nul, samedi 1er décembre à Los Angeles (Californie). Wilder, 33 ans, a sauvé son titre et a obtenu le nul en envoyant au tapis son adversaire lors de la 12e et dernière reprise.

Il croyait avoir fait la décision avec un violent enchaînement gauche-droite au visage de Fury, mais à la stupéfaction des 18 000 spectateurs du Staples Center et de Wilder lui-même, le Britannique, compté jusqu’à neuf, s’est relevé et a fini le combat sans être mis en difficulté.

Tyson Fury est resté au sol de longues secondes après avoir reçu un enchaînement de coups de Deontay Wilder, lors du 12e round, mais s’est finalement relevé à la 9e seconde pour reprendre le match comme si de rien n’était.

Un nul historique
Fury, de retour en 2018 sur les rings après avoir sombré dans la dépression et avoir été miné par des addictions, dominait jusque-là les pointages. Le Britannique, âgé de 30 ans, a usé Wilder en avançant constamment et en le décourageant avec sa défense et ses provocations, tandis que l’Américain, champion WBC de la catégorie reine depuis juin 2015, a semblé fatigué dès la 8e reprise.

Un juge-arbitre a donné la victoire à Wilder (115-111), un deuxième a vu Fury s’imposer (115-110) et le troisième n’a pas pu les départager (113-113)

Ils étaient tous deux invaincus avant ce combat très attendu avec 40 victoires pour Wilder, 27 pour Fury. Sans surprise, Wilder et Fury ont, l’un et l’autre, estimé qu’ils méritaient la victoire et se sont donné rendez-vous pour une revanche en 2019.


Deontay Wilder (à gauche) et Tyson Fury (à droite) se saluent après le match très attendu qui n’a, finalement, pas réussi à les départager, le 1er décembre 2018, à Los Angeles. ____________________




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