Boxe, Insight, Falaises, Kepel, Bertolucci
Ce sera dans la nuit de samedi à dimanche prochain (3 heures du matin), et je paierais cher pour voir ce combat de poids-lourds au Staples Center de Los Angeles – l'Irlandais Tyson Fury (à gauche) contre l'Américain Deontay Wilder (tenant du titre WBC). Le tenant des titres IBF, WBA, WBO et IBO, le Britannique Anthony Joshua, regardera aussi (de chez sa mère à Londres ?) – il souhaite une victoire de Wilder. Portraits de trois grosses brutes (Wikipedia) [complétés par moi] :
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26 novembre 2018, 13:00
Né dans une famille de travellers [gitans] irlandais, Tyson Fury descend de Bartley Gorman, roi des Gitans et champion de Grande-Bretagne et d'Irlande de combats clandestins à mains nues. Son père John Fury, a été condamné à onze années de prison pour avoir crevé l'œil d'un homme lors d'une rixe ; John Fury fut boxeur professionnel dans les années 1980 et au début des années 1990, avec un palmarès de 8 victoires pour 4 défaites (dont une contre le futur champion du monde Henry Akinwande) et un nul. Il donnera à son fils le prénom Tyson en référence au champion du monde poids lourds au moment de sa naissance, Mike Tyson. Né avant terme de 3 mois, Tyson ne pèse que 500 g à sa naissance, ce qui ne l'empêche pas d'atteindre les 2 mètres [et 6 centimètres] à l'âge adulte. Tyson Fury s'initie à la boxe à Belfast.
En amateur, il combat en poids super-lourds. Il a représenté l'Angleterre et l'Irlande. En 2006, il remporte la médaille de bronze aux Championnats du monde junior. En 2007, il remporte le championnat junior de l'Union Européenne mais échoue en finale du championnat d'Europe la même année. Bien que classé n° 3 mondial chez les juniors, il n'est pas qualifié pour les Jeux olympiques de Pékin 2008. Il devient toutefois champion d'Angleterre, et commence sa carrière professionnelle en fin d'année 2008. Son palmarès en amateur est de 34 victoires dont 26 par KO, pour quatre défaites.
Débuts professionnels
Fury combat pour la première fois en tant que professionnel le 6 décembre 2008, à l'âge de 20 ans. Après 14 victoires consécutives dont 10 par KO, le 23 juillet 2011, il remporte une large victoire aux points contre un autre espoir britannique, Dereck Chisora et s'empare ainsi des titres de champion britannique et de champion du Commonwealth. Fury affronte un autre adversaire invaincu le 12 novembre 2011, le canadien Neven Pajkic. Ayant été au tapis au deuxième round, Fury envoie son adversaire deux fois au tapis au 3e round, l'arbitre arrêtant le combat. Le 14 avril 2012, il remporte le titre de champion d’Irlande en battant Martin Rogan par KO technique au 5e round. Il bat ensuite Vinny Maddalone par KO technique en 5 reprises, pour le titre WBO inter-continental.
En décembre 2012, il rencontre l'ancien challenger mondial Kevin Johnson. Il remporte le combat par décision unanime, avec une large avance sur les cartes des juges. Il ne combat qu'une fois en 2013, le 20 avril, contre l'ancien champion du monde des poids lourds-légers Steve Cunningham. Ce dernier est plus âgé et beaucoup plus petit, donné perdant à 5 contre 1 mais il parvient à mettre en difficulté son adversaire : un crochet au corps envoie Fury à terre au début 2e round. À la mi-combat, deux juges donnent Cunningham en tête, un autre juge le combat ex-æquo. À la 7e reprise, un crochet du droit envoie Cunningham à terre pour le compte.
Le 15 février 2014, il bat Joey Abell par KO technique en 4 rounds. La même année, une revanche contre Dereck Chisora prévue en été est remise au 29 novembre pour cause de problèmes personnels de Fury. 3 ceintures sont en jeu : celle de champion de Grande-Bretagne, de champion d'Europe EBU, et la ceinture internationale WBO. Chisora se montre peu actif et Fury qui multiplie les jabs domine le combat, Chisora renonce à l'appel du 11e round. En 2015, il bat Christian Hammer qui ne répond pas à l'appel de la 9e reprise.
Tyson Fury contre Wladimir Klitschko
Après 24 victoires dont 18 par KO, Fury aura sa première occasion de titre mondial, affrontant le champion du monde WBO, WBA et IBF des poids lourds Wladimir Klitschko, à Düsseldorf. Le combat est repoussé du 24 octobre au 28 novembre 2015 pour cause de blessure de Klitschko. Le 28 novembre, il bat Wladimir Klitschko par décision unanime des juges (115-112, 115-112, 116-111) et met ainsi fin à la surprise générale aux 9 années de règne de ce dernier [à droite ci-dessous].
Pause
Le contrat du combat contre Wladimir Klitschko possédait une clause imposant un match retour en cas de victoire du britannique. En décembre 2015, alors que les négociations sont en cours, la IBF impose au tout nouveau champion de défendre son titre face au challenger Vyacheslav Glazkov. Mais Fury décide de décliner ce combat pour se concentrer sur le match retour. La IBF lui retire donc son titre après seulement 1 mois de possession pour ne pas l'avoir défendu. Glazkov affronte alors Charles Martin pour le titre vacant, et c'est Martin qui le remporte avant de le perdre quelques mois plus tard face à Anthony Joshua.
Après plusieurs mois de négociations, le match retour contre Klitschko est annoncé le 8 avril 2016, il est prévu à Manchester la ville de Fury le 9 juillet 2016. Mais au mois de juin Fury repousse le combat en invoquant une blessure à la cheville. Peu de temps après, il est suspecté de dopage par l'agence anti-dopage britannique sur la base d'échantillons prélevés en février 2015 ; ce dont le champion se défend. Le 23 septembre, Fury repousse encore une fois la date du combat après avoir été déclaré "médicalement inapte" alors que le média sportif américain ESPN révèle que le boxeur a échoué à un test anti-dopage la veille.
Le 12 octobre 2016, il annonce sur les réseaux sociaux qu'il quitte le monde de la boxe à 28 ans à cause de ses problèmes médicaux, et après avoir été contrôlé positif à la cocaïne qu'il prétend consommer "pour soigner une dépression qui l'aspire au fond du trou". Il décide de prendre du temps pour remonter la pente et pour s'occuper de sa famille. Sans surprise, il se voit néanmoins suspendre sa licence professionnelle de boxe à cause de ce test positif. Il laisse ainsi ses titres WBA et WBO vacants.
Après l'annulation du match retour, les titres WBA et IBO sont disputés entre Klitschko et le champion IBF Anthony Joshua au stade Wembley de Londres le 29 avril 2017. Avec une victoire par KO au 11e round, Joshua remporte les titres alors que Wladimir Klitschko met un terme à sa longue carrière à l'issue de ce combat. Le titre WBO est disputé entre le prétendant (n°1 du classement WBO) Joseph Parker et le challenger (n°3 du classement WBO) Andy Ruiz le 10 décembre 2016 au Auckland en Nouvelle-Zélande. C'est Parker qui remporte le titre aux points par décision majoritaire des juges.
Le 31 mars 2018, Anthony Joshua bat Parker aux points récupérant et réunifiant ainsi tous les titres de champion du monde que Fury avait pris à Klitschko avant de les laisser vacants. Lors de son court règne, Fury n'a jamais défendu aucun de ses titres. Il faut également noter que le titre de champion du monde poids lourds décerné par Ring magazine à Tyson Fury en novembre 2015 ne lui a pas été retiré avant février 2018, cela malgré son inactivité.
Retour
Après 2 ans d'absence, le 10 janvier 2018 Tyson Fury annonce son retour sur les réseaux sociaux. Le public et la presse ne le prennent pas au sérieux, notamment à cause de son surpoids. Néanmoins Fury s'entraîne dur pour son retour et perd rapidement du poids. Il combat d'abord des boxeurs de seconde catégorie, l'albanais Sefer Seferi le 20 mai 2018, et l'italien Francesco Pianeta le 18 août 2018 ; les deux fois il remporte facilement la victoire. C'est à l'occasion de ce second combat qu'il défie le champion américain invaincu Deontay Wilder (WBC), en manque de rival puisque Anthony Joshua doit défendre son titre WBA contre Aleksandr Povetkin. Fury compte prouver avec ce combat qu'il est toujours dans la course pour être champion du monde incontesté des poids-lourds, course menée par Wilder et Joshua en son absence. Bien que Fury ne soit pas son challenger officiel selon le classement WBC, l'américain accepte le combat, qui est organisé le 1er décembre 2018 au Staples Center de Los Angeles. La promotion du combat est ponctuée de nombreux duels de trash-talking, spécialité des deux boxeurs ; néanmoins aucun dérapage n'est à noter, et les duels restent dans une ambiance bon enfant, laissant deviner un certain respect derrière les provocations.
Controverses
Ses déclarations sexistes [«La position d’une femme, c’est dans la cuisine et sur le dos»], antisémites et homophobes sont souvent déplorées ; aussi cette année "Plus de 105 000 personnes ont signé une pétition en Angleterre pour demander à la BBC de retirer Fury de la liste des prétendants au titre de sportif de l'année".
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Deontay Leshun Wilder est un boxeur américain né le 22 octobre 1985 à Tuscaloosa (Alabama). Il a remporté la médaille de bronze dans la catégorie poids lourds aux Jeux olympiques d'été de 2008 à Pékin et le titre de champion du monde des poids lourds en 2015.
Carrière amateur
Très grand (2,01 m), Wilder commence la boxe seulement en 2005. Il surprend les expérimentés James Zimmerman, Quentis Graves (trois fois) et Isiah Thomas en 2007 et gagne la même année les Golden Gloves et le titre de champion des États-Unis poids lourds.
Dans la préparation olympique, il bat Rakhim Chakhkiev en Russie en février 2008 puis Yushan Nijiati par KO avant de s'incliner face à Evgeniy Romanov. À Pékin, il remporte ses deux premiers combats mais perd sa demi-finale contre le champion du monde italien Clemente Russo par 7 points à 12.
Débuts professionnels
Wilder fait ses débuts en professionnels le 15 novembre 2008. Il enchaîne bientôt les victoires expéditives, enchaînant notamment 8 victoires en 1 round en 2009 et 2010. Il affronte fin 2012 ses premiers adversaires sérieux, le 15 décembre, après 25 victoires toute obtenues avant la limite, il bat Kelvin Price, invaincu en 14 combats, pour la ceinture continentale d’Amérique WBC.
En 2013, il bat notamment l'ancien champion d'Europe, le britannique Audley Harrison mais aussi l'ancien champion du monde Sergueï Lyakhovich, tous deux par KO au 1er round. Il remporte 3 autres victoires, notamment contre Malik Scott, ce qui lui ouvre les portes d'un championnat du monde.
Champion du monde WBC
Wilder demeure invaincu après 32 victoires consécutives, aucun de ses adversaires n'ayant passé le 4e round. Le 17 janvier 2015, il se mesure à Bermane Stiverne pour le titre de champion du monde poids lourds WBC. Il utilise son allonge et son jab pour marquer des points et contrer les crochets du champion du monde, le touchant durement à plusieurs reprises. Il est plusieurs fois atteint par les coups de Stiverne mais résiste, alors qu'il connait un combat bien plus long qu'à son habitude : en effet, le combat va au bout des 12 rounds, il l'emporte par décision unanime des juges. Il devient le premier champion du monde américain depuis Shannon Briggs en 2007.
Le 13 juin de la même année, il mène sa première défense de titre contre le mexicain Eric Molina. Donné largement favori, le champion du monde domine le combat malgré le courage de Molina, que Wilder envoie à terre aux 4e et 5e rounds grâce à son crochet droit. Il l'emporte finalement par KO d'un direct du droit, au 9e round. Le 26 septembre, il rencontre l'ancien champion de France et d'Union européenne, le français Johann Duhaupas. Le Français avance et fait du bon travail dans le combat de près, mais le champion touche plus souvent avec plus de précision à distance, bien que ses coups ne soient pas suffisants pour envoyer le français au tapis. Une rafale de coups de Wilder au 11e pousse toutefois l'arbitre à arrêter le combat, le champion conserve son titre.
Pour son premier combat de 2016, il est opposé à Artur Szpilka. Ce dernier débute bien le combat et gagne les 3 premiers rounds mais le champion remporte les suivantes et prend la tête sur les cartes des juges. Au 9e round, le challenger en retard aux points prend plus de risques pour revenir mais est touché par une droite du champion qui le laisse KO pour le compte.
Le 16 juillet, il affronte Chris Arreola qu'il bat par abandon à l'issue de la 8e reprise puis le 25 février 2017, il bat par arrêt de l'arbitre au 5e round Gerald Washington. Wilder poursuit sa série de victoires le 4 novembre 2017 en arrêtant très violemment et dès le premier round Bermane Stiverne à l'occasion de leur second combat. Stiverne n'avait cependant pas combattu depuis deux ans.
Après une première date de combat repoussée face au cubain invaincu Luis Ortiz pour cause de dopage de ce dernier, le 3 mars 2018 a enfin lieu la rencontre qui sera la plus difficile pour Wilder. Le Cubain se montre aussi gros puncher, mais plus offensif, plus précis et plus technique. Du fait de sa plus petite taille (1m93 contre 2m01) il reste très près de son adversaire, le forçant en permanence à se battre au corps à corps et cassant ainsi la distance qui l'exposerait aux violents mouvements de bras propres à Wilder. L'américain se retrouve au bord du KO à la 7e reprise, tout juste sauvé par le gong. Au début de la 8e reprise Wilder est visiblement toujours sonné et l'arbitre fait vérifier ses pupilles 5 secondes par un médecin afin de vérifier que celui-ci peut reprendre le combat. Cette décision fera polémique car il est pris pour une faveur de l'arbitre qui aurait cherché à avantager Wilder pour gagner du temps de récupération. Wilder finit par mettre Ortiz KO par arrêt de l'arbitre au 10e round en l'envoyant par deux fois au tapis.
Le Staples Center de Los Angeles
Un combat d'unification des titres de champion de monde poids-lourds est fortement souhaité par le public face à l'Anglais invaincu Anthony Joshua. Alors que les négociations s'éternisent, en juin 2018 la WBA contraint Anthony Joshua à défendre son titre contre le challenger Aleksandr Povetkin. Les négociations sont alors suspendues, et l'équipe de Wilder accuse l'équipe de Joshua de vouloir éviter le combat. À la place de Joshua, c'est le britannique Tyson Fury lui aussi invaincu qui défie l'Américain, alors qu'il vient tout juste de faire son retour sur le ring après plus de 2 ans d'absence. L'organisation du combat est rapidement convenue, les deux boxeurs s'affronteront le 1er décembre 2018 au Staples Center de Los Angeles. La promotion du combat est ponctuée de nombreux duels de trash-talking, spécialité des deux boxeurs ; néanmoins aucun dérapage n'est à noter, et les duels restent dans une ambiance bon enfant, laissant deviner un certain respect derrière les provocations.
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Anthony Joshua est un boxeur britannique né le 15 octobre 1989 à Watford.
Durant sa carrière amateur, il termine vice-champion du monde dans la catégorie des super-lourds à Bakou en 2011. Un an plus tard, il devient champion olympique dans cette même catégorie. Dans la foulée de ce titre, il passe professionnel dans la catégorie des poids-lourds où il devient champion poids-lourds du Commonwealth de l'Empire britannique. Année après année, il réunit les titres de champions du monde poids lourds IBF, WBA, IBO, puis WBO, et reste invaincu avec 22 victoires en autant de combats depuis son passage professionnel, la dernière datant du 22 septembre 2018 par KO contre Alexander Povetkin.
Champion olympique aux Jeux de Londres en 20121, sa carrière amateur est également marquée par une médaille d'argent aux championnats du monde de Bakou en 2011 dans la catégorie super-lourds.
Titres amateurs
Médaille d'or, Jeux olympiques Médaille d'or en +91 kg aux Jeux de 2012 à Londres, Angleterre
Médaille d'argent, monde Médaille d'argent en +91 kg en 2011 à Bakou, Azerbaïdjan
Carrière professionnelle
Il passe professionnel en 2013 et remporte ses 20 premiers combats avant la limite. Le 12 décembre 2015, à la suite de sa victoire par KO face à Dillian Whyte, il devient champion d'Angleterre des poids lourds.
La conquête des titres vacants de Fury
Entre 2016 et 2017, les meilleurs boxeurs poids lourds s'affrontent pour obtenir les titres de champion du monde laissés vacants par le britannique Tyson Fury. Celui-ci, après avoir détrôné Wladimir Klitschko de son long règne de presque une décennie sur la catégorie, a décidé de faire une pause dans sa carrière ne défendant pas ses titres IBF, WBO et WBA qui sont alors remis en jeu. L'américain Charles Martin remporte rapidement le titre IBF, puis le néo-zélandais Joseph Parker remporte le titre WBO.
Le 9 avril 2016, Anthony Joshua affronte et détrône Charles Martin par KO à la deuxième reprise ; il devient champion du monde IBF de la catégorie. Joshua conserve son titre le 18 juin suivant en battant par KO au 7e round l'invaincu Dominic Breazeale puis le 10 décembre 2016 par arrêt de l'arbitre au 3e round face à Eric Molina.
Alors que la pause de Fury empêche l'organisation d'un match retour pourtant convenu dans le contrat de l'affrontement Fury contre Klitschko en cas de défaite de ce dernier, Wladimir Klitschko décide d'affronter Anthony Joshua pour les titres WBA et IBO vacants ainsi que le titre IBF que Joshua défend. Le 29 avril 2017, Anthony Joshua sort vainqueur du combat au 11e round par KO, devant 90 000 spectateurs au complexe de Wembley. Malgré une victoire incontestable, le combat s'avère beaucoup plus difficile que prévu et Joshua visite même le tapis pour la première fois de sa carrière à la suite d'une droite de l'Ukrainien dans le 6e round.
La rivalité avec Deontay Wilder
Il ne manque plus qu'un titre majeur à Anthony Joshua pour devenir le champion du monde incontesté des poids-lourds, le titre WBC détenu par Deontay Wilder. Le match d'unification du titre est l'un des plus attendus, puisqu'il départagerait deux champions invaincus, l'un anglais l'autre américain. Il s'agit aussi de la confrontation de deux boxeurs très différents : Anthony Joshua est sur le ring patient et très appliqué techniquement, alors que Deontay Wilder à la réputation d'être un puncher « sale » (c'est-à-dire peu précis ou appliqué techniquement) mais extrêmement brutal (sur 40 victoires, 39 ont été remportées par KO) ; en dehors du ring Anthony Joshua se montre réservé, humble, jusqu'à se faire surnommer « Big Friendly Giant » (« Bon gros géant ») par la presse britannique, alors que Deontay Wilder se montre plus volontiers provocateur.
Notre Big Friendly Giant habiterait toujours chez sa mère,
dans un appartement de Londres, selon The Sun
C'est une nouvelle occasion pour son rival américain de l'accuser de fuir le combat. Tyson Fury accélère son retour dans le monde de la boxe après plus de 2 ans d'absence en défiant Deontay Wilder, qui accepte le combat. Il en profite pour tacler lui aussi Anthony Joshua en déclarant qu'à l'inverse de ce dernier, il n'avait pas peur d'affronter le champion américain.
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26 novembre 2018, 14:00
Plus de douceur (?) avec la sonde Insight (évoquée dans un fichier récent) qui doit se poser ce soir sur Mars:
Après un long voyage, la sonde InSight tente une descente risquée sur Mars
Sept ans de travail, sept mois dans l’espace et sept minutes d’angoisse. Ce soir, la sonde américaine arrivera à 20 000 km/h sur la surface de la planète rouge.
Sept ans de travail, sept mois de voyage dans l’espace et sept minutes d’angoisse. La sonde américaine InSight va enfin toucher, lundi 26 novembre dans la soirée (heure française), la surface de la planète Mars à l’issue d’une descente à haut risque. Les ingénieurs de la NASA qui suivent l’opération depuis la Terre ne peuvent rien faire d’autre que croiser les doigts : de l’entrée dans l’atmosphère martienne et ses tempêtes de poussière jusqu’au contact des pieds avec la roche, tout a été préprogrammé plusieurs heures à l’avance.
Plus cruel encore, le signal libérateur indiquant qu’InSight est sain et sauf va mettre huit minutes à parvenir au centre de contrôle de la mission, situé au Jet Propulsion Laboratory (JPL), à Pasadena (Californie). « Avec Mars, rien n’est jamais acquis. Mars est difficile », résumait encore dimanche Thomas Zurbuchen, chef du directorat scientifique de la NASA, l’agence spatiale américaine qui a approuvé cette mission de près de 1 milliard de dollars qui doit étudier les entrailles de la Planète rouge.
InSight – acronyme d’Interior Exploration using Seismic Investigations, Geodesy and Heat Transfer – est un atterrisseur, c’est-à-dire une plate-forme immobile d’instruments scientifiques. C’est la première fois depuis 2012 qu’un engin tente de se poser sur Mars, depuis le véhicule Curiosity de la NASA, le seul encore actif sur cette planète voisine de notre Terre. Seuls les Etats-Unis ont réussi à y poser des robots. L’URSS a écrasé plusieurs atterrisseurs, tout comme les Européens, tout récemment en 2016.
« C’est comme marquer un but à 130 000 km de distance »
InSight doit aborder l’atmosphère de Mars à 11 h 47, heure de Californie (20 h 47, heure de Paris), de manière très oblique pour éviter de voler en éclats. Le seul frottement de l’atmosphère fera monter la température rapidement à 1 500 °C, mais elle n’aura rien à craindre, bien à l’abri d’un bouclier thermique renforcé.
La sonde se déplacera alors à environ 20 000 km/h, soit trois à quatre fois plus qu’une balle de fusil, et devra viser un rectangle de 10 km sur 24 km. Rapporté à son point de départ sur Terre, à 480 millions de kilomètres de là, « c’est comme marquer un but à 130 000 km de distance », explique la NASA. Quatre minutes et une centaine de kilomètres plus bas, un parachute s’ouvrira automatiquement, freinant brutalement la descente. Puis, une fois largué le bouclier thermique, l’atterrisseur déploiera ses trois jambes et le parachute se détachera. « Nous serons en chute libre pendant un bref instant, ce qui est une pensée absolument terrifiante pour moi », a confié Tom Hoffman, chef du projet InSight pour la NASA.
La sonde allumera bien vite ses douze rétrofusées qui ralentiront à environ 8 km/h la descente de l’engin, qui ne pèsera alors plus que 365 kg. Près de sept minutes après son premier contact avec l’atmosphère, InSight devrait enfin « amarsir ».
Durant tout ce laps de temps, surnommé « les sept minutes de terreur » par certains, rien ni personne ne pourra venir en aide à InSight pour corriger une trajectoire ou remédier à une défaillance. InSight déploiera alors lentement ses panneaux solaires qui alimenteront ses instruments. Car un programme de travail chargé attend la sonde.
Elle doit écouter et scruter l’intérieur de Mars pour tenter de percer les mystères de sa formation, voici des milliards d’années. Des connaissances qui permettront dans un second temps de mieux comprendre la formation de la Terre, la seule planète rocheuse dont nous avons réellement étudié l’intérieur jusqu’à présent.
[Mise à jour de 22:40]
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26 novembre 2018, 14:40
Le Seuil (4e de couv') :
> Georges Wolinski a tout au long de son travail porté un regard à la fois léger et mélancolique sur la vie.
> Ses dessins de falaises témoignent de ce regard. Falaises mythiques de son œuvre dont il affirmait : « Tout Wolinski est dans les falaises. »
> Dessinateur de renom, caricaturiste contestataire, Georges Wolinski a croqué l'actualité pour Libération, Le Nouvel Observateur, Hara Kiri, Charlie-Hebdo. Plusieurs fois récompensé pour sa plume acérée, il a collaboré avec de grands noms, comme Cabu. Georges Wolinski, assassiné le 7 janvier 2015, était aussi un fin prosateur.
Maryse Wolinski (intw à Nice Matin il y a un an) :
> Il avait des passions, qui aujourd’hui encore, restent pour moi des interrogations. Par exemple, il aimait beaucoup les Jaguar. Lors de notre voyage en Italie, il en avait loué une rouge… Mais je ne sais pas pourquoi il aimait tant ces voitures. Il dessinait aussi beaucoup de falaises. J’en ai au moins trois cents de ces dessins… Je ne lui ai jamais demandé pourquoi il les dessinait. J’aurai encore mille questions à lui poser…
Élisabeth Roudinesco (intw à RCJ ici) :
> Il y a une sorte d'ontologie de la falaise, avec cette tentation du suicide – et il y a quelques falaises très étranges...
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26 novembre 2018, 15:00
« Alliance du coran et du baril » (dans le JDD dernier)
[Complément dans le Monde du 1er décembre 2018 par Alain Frachon] :
« Sortir du chaos » : Gilles Kepel en analyste et témoin de la dévastation du Moyen-Orient
Le spécialiste de l’islam et du monde arabe brosse le tableau de l’histoire contemporaine d’une région perpétuellement en guerre. Puissant.
Dans l’une des dernières zones rebelles, près d’Alep, en Syrie, le 26 novembre.
Moyen-Orient, automne 1973. Du 6 au 26 octobre, Israël repousse in extremis l’offensive de ses voisins égyptien et syrien. Le monde ne le sait pas encore, mais bientôt il y aura la paix entre l’Etat hébreu et l’Egypte, et la guerre du Kippour restera comme le dernier des affrontements grand format entre Tsahal et les armées arabes. A ce jour, il n’y en a pas eu d’autres.
Le Caire et Damas voulaient recouvrer des territoires perdus lors des précédents conflits avec, en toile de fond, cette ligne de fracture datant de 1948 : le conflit entre Israël et les Palestiniens – la grande cause du monde arabe. Les experts parlaient de la « centralité stratégique » du conflit israélo-palestinien. Il commandait, croyait-on, l’avenir d’une région dont le monde dépendait pour sa consommation en pétrole et qui formait un ensemble d’autant plus explosif qu’il était l’un des théâtres de la guerre froide.
Moyen-Orient, automne 2018. À Washington comme à Moscou, en Europe et dans le monde arabe, on salue le premier anniversaire de la victoire sur ce proto-Etat djihadiste qu’était l’organisation Etat islamique (EI). Un coup dur, sinon définitif, a été porté à cette mouvance multiforme qui, depuis trop longtemps, ravage le Moyen-Orient et a aussi frappé l’Europe, les Etats-Unis, la Russie et d’autres.
Terrain, érudition et passion
Au prix d’immenses destructions, EI a été chassée de ses « capitales », Mossoul, en Irak, en juillet 2017, et Rakka, en Syrie, en octobre suivant. Aujourd’hui, la Syrie commence à sortir, détruite, de sept ans de guerres à entrées multiples ; l’Irak émerge de dizaines années de guerres intérieures et extérieures. Le conflit israélo-palestinien a été marginalisé. Une nouvelle ligne de fracture saigne la région : elle épouse la vieille querelle qui divise l’islam entre sunnites (majoritaires) et chiites – avec deux théocraties comme chefs de file, l’Arabie saoudite pour les premiers, l’Iran pour les seconds. Le pétrole du Golfe a perdu en importance.
Que s’est-il passé ? Pourquoi le Moyen-Orient de 2018 ne ressemble-t-il plus en rien à celui de 1973 ? Réponse : plus de quarante ans de conflits, d’interventions étrangères et de tragédies intérieures, que Gilles Kepel raconte avec maestria dans son nouveau livre, Sortir du chaos. Il fallait un homme de terrain, d’érudition et de passion pour restituer dans toute sa complexité ces décennies de drames moyen-orientaux. Kepel est ici dans sa « circonscription », ce monde arabo-islamique qu’il sonde depuis quarante ans, justement. Son parcours professionnel se confond avec la séquence des événements qu’il relate – vaste synthèse d’histoire contemporaine et d’histoires personnelles.
Kepel détricote l’écheveau des événements intérieurs et extérieurs à la région – occupation soviétique de l’Afghanistan, fin de la guerre froide… – qui ont fait le Moyen-Orient d’aujourd’hui. Son point de départ est la période 1973-1979. Elle voit « le crépuscule du nationalisme arabe » laïcisant, pour cause d’échecs répétés, et, corollaire, « l’engorgement de l’espace politique par le religieux ». Commence alors l’histoire parallèle de deux forces profondes qui vont finir par entrer en collision pour se disputer la prépondérance régionale.
Porté par les pétrodollars et l’expansion du saoudo-wahhabisme, musclé au fil de la guerre contre l’URSS en Afghanistan, relancé par les interventions américaines dans le Golfe, l’extrémisme politique sunnite va, au fil des ans, donner naissance au djihadisme d’Al-Qaïda et de l’EI. En face, la révolution iranienne de 1979 va faire de l’islam politique chiite l’instrument de la pénétration du vieil ennemi perse en terre arabe.
Quelques signes d’optimisme
On schématise. Kepel dégage de grandes lignes de force, mais il module, il nuance. « Printemps arabes », montée en puissance de la Turquie, dévastation irakienne, insurrection syrienne pervertie par le couple infernal djihadisme-terrorisme d’Etat à grande échelle : Kepel entre dans les contradictions d’une histoire qui n’en manque pas. La région est le paradis du « en même temps ». Et c’est là qu’apparaissent quelques signes d’optimisme, dans le récit des divisions internes au « camp » sunnite et au « camp » chiite, ou dans l’exposition des intérêts souvent convergents de la Russie et des Etats-Unis. Quelque peu sonné, mais moins ignorant, on referme ce livre sur une note d’espoir : le Moyen-Orient de demain pourrait échapper à un autre demi-siècle de tragédies.
Sortir du chaos. Les crises en Méditerranée et au Moyen-Orient, de Gilles Kepel, Gallimard, « Esprits du monde », 528 p., 22 €. Lire un extrait.
Alain Frachon
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26 novembre 2018, 15:30
Appris ce matin la mort de Bertolucci
Bernardo Bertolucci, le cinéaste de la transgression, est mort
Le réalisateur italien aura passé sa carrière à explorer des figures obsessionnelles : le désir d’abandon sensuel ou la nostalgie infinie d’une innocence du charnel.
Photo prise le 11 mai 1981, de le réalisateur italien Bernardo Bertolucci pendant une conférence de presse lors du 34e Festival international du film de Cannes.
Par Jean-Luc Douin (Le Monde), publié aujourd’hui à 10h02,
Rappeler d’emblée, pour évoquer sa vie et son œuvre, que ce natif des environs de Parme, né le 16 mars 1941, est le fils aîné du poète Attilio Bertolucci est plus qu’un simple détail biographique. Car client des analystes et auteur d’une œuvre hantée par le scénario freudien, le cinéaste Bernardo Bertolucci n’aura jamais cessé de chercher à se libérer de ses figures paternelles. Il est mort à Rome, lundi 26 novembre, des suites d’un cancer, a annoncé son attachée de presse, Flavia Schiavi, à Variety. Il avait 77 ans.
Ne cessant d’écrire des poèmes d’inspiration familiale qu’en tournant son premier film, cet ex-admirateur du cinéma hollywoodien passe de la coupe de son père biologique sous celle de Pasolini. Bertolucci tourne, avec La Commare Secca (1962), un film « à la manière de » l’auteur de Mamma Roma, dont il a été l’assistant sur Accattone (1961). Puis, c’est Jean-Luc Godard qui le fascine lorsqu’il signe Partner (1968), patchwork brechtien sur la schizophrénie où rôdent les fantômes d’Artaud et de Dostoïevski.
Il confessera avoir fait La Commare Secca pour « dérober Rome à Pasolini », et s’il situe Prima della Rivoluzione (1964), son premier grand film, à Parme, c’est, dit-il, pour « dérober Parme à mon père ». La dévotion à la Nouvelle Vague le poursuivra jusqu’à Innocents (2003), entièrement tourné dans la nostalgie d’un Mai 68 vécu à Paris, où les jeunes insurgés bousculent les modes de vie de leurs aînés (« Papa déconne »), et où la litanie rétrospective des éblouissements distillés à la Cinémathèque de Chaillot n’oublie pas la Jean Seberg d’A bout de souffle entre Garbo, Dietrich et la Mouchette de Bresson.
Ce thème récurrent de l’Œdipe s’accompagne de celui d’une fatalité : suspectant d’être l’héritier d’un passé truqué, Bertolucci se sait otage de son milieu social. Imbibé d’éducation bourgeoise et engagé au Parti communiste, il restera un fils de famille mal dans sa peau, marqué par le péché originel d’être né chez les privilégiés. Romantique, gorgé de références stendhaliennes, l’autobiographique Prima della Rivoluzione donne le ton. Fabrizio, son héros, est en révolte contre une bourgeoisie qui symbolise l’alliance entre l’Eglise et l’Etat, et en sympathie avec les combats de la classe ouvrière.
Illustrée par une phrase de Talleyrand (« Celui qui n’a pas connu la vie avant la révolution n’a pas connu la douceur de vivre »), cette situation ambiguë entre le rouge et le noir est symbolisée par les deux femmes entre lesquelles il balance : Clélia, future épouse, image de l’ordre, du conformisme, et Gina, sa tante, image du désordre, de l’amour hors la loi. La grand-messe bourgeoise est symbolisée par un opéra de Verdi, refuge du bel canto, de la culture de classe.
Avec Dominique Sanda et Stefania Sandrelli en 1976. - / AFP
Interroger l’histoire
Inspiré d’un texte de Borges, La Stratégie de l’araignée (1970), qu’il tourne juste après, est l’histoire d’un homme qui découvre que son père, ce militant de la lutte antifasciste que la légende a façonné au point de lui élever une statue, et dont il cultive la ressemblance au point de flirter avec son ex-maîtresse, ne fut pas un héros mais un traître. Le périple initiatique se déroule dans une Italie figée, léthargique, les herbes folles ont envahi les rails d’une gare où il ne passe plus de train. Mystifié par un décor enchanteur, sensuel, onirique, avec jardins enchanteurs et caves remplies de jambons de Parme, Bertolucci interroge l’histoire, son rapport à la vérité, son penchant pour les chimères. Là encore, le théâtre, l’opéra renvoient aux mensonges, aux complots. Une tentative d’assassinat de Mussolini se déroule pendant le grand air de Rigoletto.
En 1969 sort Il était une fois dans l’Ouest, de Sergio Leone, dont il a écrit le scénario avec Dario Argento. C’est cette même année que Bertolucci tourne son chef-d’œuvre : Le Conformiste, d’après un roman d’Alberto Moravia. L’histoire d’un homme qui a honte de son père, interné dans un asile, et de sa mère, vieille excentrique à gigolos. Un homme hanté par une homosexualité refoulée, une culpabilité remontant à l’enfance, et qui, par volonté de rachat, s’est voué à mener une vie sans troubles, à ressembler à tout le monde. Il a épousé une bourgeoise bécasse et se laisse convaincre par le régime fasciste d’assassiner son ancien prof de philo, un opposant politique réfugié à Paris.
Le film affiche une remarquable maîtrise de la mise en scène, une vision onirique et baroque. Ballets de tractions corbillards et de gentlemen à Borsalino, cette fresque Art déco à la beauté funèbre est stylisée dans des sanctuaires aux lignes droites à la Chirico. Il y multiplie les profondeurs de champ fantastiques, cultive les éclairages expressionnistes et claustrophobiques, les décors en trompe-l’œil. Ce portrait d’un fasciste des années 1930 (interprété par Jean-Louis Trintignant) brasse nombre de ses obsessions, dont celle du bal, instant où, pour Bertolucci, les masques tombent, où chacun dévoile des pulsions cachées, à l’image de ce troublant pas de danse entre Stefania Sandrelli et Dominique Sanda.
Avec Marlon Brando en 1972. AFP
Le scandale du « Dernier Tango à Paris »
Un malentendu commence à s’installer entre ses admirateurs et Bertolucci, qui a décidé de s’« abandonner au principe de plaisir ». On lui reproche des concessions au public, on le désigne comme un maniériste. Il se rassure : « J’ai lu Roland Barthes et je sais que je peux penser au plaisir esthétique et au succès comme à quelque chose qui n’est pas nécessairement de droite. » Mais le scandale s’abat sur lui, en 1972, lorsqu’il signe Le Dernier Tango à Paris, expression d’un fantasme : rencontrer une femme dans un appartement désert, lui faire l’amour sans savoir qui elle est. Veuf d’une femme qui vient de se suicider, le personnage principal est un Américain partagé entre pulsion de vie (l’expérience primitive d’une étreinte physique, sans tabous ni notion de péché), et une pulsion de mort (qui attise brutalité de langage et jeux sexuels humiliants).
« Pasolini avait raison. Le succès est un cauchemar »
Brûlot contre les institutions sociales, pied de nez auto-ironique à la cinéphilie grâce à un personnage de rat de cinémathèque incarné par Jean-Pierre Léaud, le film (nimbé d’une lumière à la Francis Bacon) est habité par un Marlon Brando auquel il a demandé d’oublier les leçons de l’Actor’s Studio et d’être lui-même. Brando confesse sa propre enfance, sa mère toujours saoule, son père brutal. Il hurle à la mort sous le métro parisien qui passe au-dessus de sa tête. Et déclare en fin de tournage : « Je ne ferai plus jamais un film comme celui-là. Je me suis senti violé du début à la fin. On a tout sorti de mes tripes. » Bertolucci est sonné lui aussi : « Pasolini avait raison. Le succès est un cauchemar. » Des propos qui apparaissent aujourd’hui totalement déplacés au regard du traumatisme vécu durant le tournage par la comédienne Maria Schneider que l’acteur et le cinéaste avaient entraînée sans la prévenir dans des séquences sexuelles brutales et humiliantes.
Avec les dollars américains de trois majors (Artistes Associés, Paramount et Fox), il tourne 1900, fresque épique sur la naissance du communisme dans la plaine du Pô, ode au drapeau rouge, au combat collectif des masses laborieuses, avec Robert De Niro (le padrone) et Gérard Depardieu (le paysan). La Luna (1979) est une Phèdre à l’italienne où se côtoient pulsion incestueuse pour une mère cantatrice et recherche des paradis artificiels. Imbibé par l’atmosphère de désarroi qui plombe l’Italie à l’heure des attentats terroristes, La Tragédie d’un homme ridicule (1981) plonge un industriel dans un dilemme : doit-il sacrifier son fils, kidnappé par les Brigades rouges, ou sacrifier son usine en payant la rançon ? Les affres du Fabrizio de Prima della Rivoluzione sont toujours là, dans la terreur de voir disparaître le monde de l’enfance, un paradis perdu, une douceur de vivre qui n’appartient plus qu’au passé.
Bernardo Bertolucci lors de la 70e édition de la Mostra de Venise, en 2013,
dont il a été président du jury.
Entre instinct et raison
Ce sont ces mêmes émotions qu’il transpose dans Le Dernier Empereur (1987), évocation de la vie de Pu Yi, ultime représentant d’une dynastie déchue. Assis sur le trône laqué de l’empire de Chine à 3 ans, demi-dieu prisonnier de la Cité interdite, ce playboy passera dix ans dans un camp de rééducation après la révolution maoïste. Au-delà des images d’une splendeur d’apparats (palais aux toits d’émail, étendards bariolés, lampions fleuris, trésors de jade, mandarins et palanquins, phénix, licornes, incendie d’ors et de rouges), Bertolucci s’intéresse à un homme condamné au déracinement, transplanté d’une prison à une autre, marqué par le manque du sein maternel et par l’absence d’une figure paternelle, porté à violer les tabous (couper sa natte, porter des lunettes).
Les sensuelles parties de colin-maillard de part et d’autre d’un drap de soie tendu, ou la nuit de noces frémissante d’érotisme soulignent l’importance du sexuel chez ce cinéaste qui, trois ans plus tard, adapte Un thé au Sahara (1990). Le Brando du Dernier Tango était clone d’Henry Miller, cette fois c’est l’Américain Paul Bowles qui est pris comme modèle d’une quête identitaire dans le désert, avec perte des illusions, mort du couple, vertige existentiel. Consacré à la vie du prince Siddhartha, Little Buddha (1993) reflète une sorte de conversion chez un auteur athée, obsédé par l’ego, et découvrant avec le bouddhisme une forme de sagesse. Un tournant chez un homme dont le cinéma a toujours été fondé sur les conflits (homme-femme, fils-père, fils-mère, patron-salarié).
Ode au cinéma, rêve de révolution culturelle, situé dans les alcôves de jeunes bourgeois désinhibés (un trio formé par un Américain et un couple incestueux frère-sœur) plus que sur les barricades, Innocents (titre original The Dreamers) indique un repli (le huis clos de la chambre à coucher) et souligne l’éternel désir de transgression. Le film met le doigt sur le paradoxe d’un cinéaste tiraillé entre instinct et raison, brasse un certain nombre de figures obsessionnelles : le désir d’abandon sensuel, le bal ambigu des êtres caméléons, l’attrait du triolisme. La nostalgie infinie d’une innocence du charnel, d’un refuge privé, d’un communisme amoureux.
Jean-Luc Douin
[Complément du 28 novembre, dans Libé] :
Michael Pitt, Eva Green et Louis Garrel dans Innocents: The Dreamers (2003).
BERTOLUCCI : «LE PLAISIR ESTHÉTIQUE ET LE SUCCÈS
NE SONT PAS NÉCESSAIREMENT DE DROITE»
En décembre 2003, alors qu’il tourne «The Dreamers», le film qui le taraudait depuis trente-cinq ans, Bernardo Bertolucci, livrait ses dates-clés à «Libération».
1944 « Premier souvenir, à 3 ans. Ma famille, parmesane, s’est installée dans les Appenins, dans un village dans les montagnes à 1000 mètres, 150 habitants. Notre maison était en haut du village. Un jour où je jouais avec des cailloux, je vois les buissons bouger en contrebas et avancer. J’entends des chants en allemand. C’étaient de jeunes soldats, des Hitlerjugend, portant des branches de châtaigniers pour se camoufler, reprenant des chants de guerre pour se donner du courage. Mon père sort de la maison et me dit : "On ne se cache pas, tranquille, ils ne nous feront rien…" Ils sont passés sans un regard. Ces visages, ces armes, ces chants, cette forêt qui bougeait : ma première expérience excitante, la guerre comme un jeu.»
1950 «Une paysanne ramasse des tomates, pliée en deux. Au loin, un camion passe, avec un haut-parleur qui crache : "Attila Alberti a été tué par la police…" Je demande à la paysanne qui est Attila Alberti. Elle se redresse, me regarde : "Un communiste, un camarade." Mon initiation politique.»
1953 «Nous allons à Rome, où mon père, professeur d’histoire de l’art, a été nommé à l’université. Ma mère, qui enseigne les lettres, moi et mon petit frère, Giuseppe, on s’installe au cœur d’un quartier de la petite bourgeoisie. Les paysans étaient beaucoup plus héroïques, plus beaux, plus intéressants.»
1957 «Je tourne mes premiers petits films, en 16 mm, avec la caméra Bolex reçue pour mes 16 ans. C’est bientôt la Mort du cochon, sur ce rite païen de mise à mort. Tout le monde était nerveux à cause de la caméra : le tueur a raté son coup, le cochon s’est échappé dans la neige, hurlant et saignant, courant partout en laissant des dessins de sang sur la neige. L’intrusion du cinéma avait provoqué son trouble dans la mort comme dans ma vie.»
1944 «Premier souvenir, à 3 ans. Ma famille, parmesane, s’est installée dans les Appenins, dans un village dans les montagnes à 1000 mètres, 150 habitants. Notre maison était en haut du village. Un jour où je jouais avec des cailloux, je vois les buissons bouger en contrebas et avancer. J’entends des chants en allemand. C’étaient de jeunes soldats, des Hitlerjugend, portant des branches de châtaigniers pour se camoufler, reprenant des chants de guerre pour se donner du courage. Mon père sort de la maison et me dit : "On ne se cache pas, tranquille, ils ne nous feront rien…" Ils sont passés sans un regard. Ces visages, ces armes, ces chants, cette forêt qui bougeait : ma première expérience excitante, la guerre comme un jeu.»
1950 « Une paysanne ramasse des tomates, pliée en deux. Au loin, un camion passe, avec un haut-parleur qui crache : "Attila Alberti a été tué par la police…" Je demande à la paysanne qui est Attila Alberti. Elle se redresse, me regarde : "Un communiste, un camarade." Mon initiation politique.»
1953 « Nous allons à Rome, où mon père, professeur d’histoire de l’art, a été nommé à l’université. Ma mère, qui enseigne les lettres, moi et mon petit frère, Giuseppe, on s’installe au cœur d’un quartier de la petite bourgeoisie. Les paysans étaient beaucoup plus héroïques, plus beaux, plus intéressants.»
1957 « Je tourne mes premiers petits films, en 16 mm, avec la caméra Bolex reçue pour mes 16 ans. C’est bientôt la Mort du cochon, sur ce rite païen de mise à mort. Tout le monde était nerveux à cause de la caméra : le tueur a raté son coup, le cochon s’est échappé dans la neige, hurlant et saignant, courant partout en laissant des dessins de sang sur la neige. L’intrusion du cinéma avait provoqué son trouble dans la mort comme dans ma vie.»
1961 « Pier Paolo Pasolini me demande d’être son assistant sur Accatone. Il vient de la littérature, de la poésie et j’avais été davantage au cinéma que lui, par exemple à la Cinémathèque française, dès l’âge de 19 ans. Pasolini découvrait le langage du cinéma : travailler avec lui, c’était comme assister à la naissance du cinéma, extraordinaire. Un jour, il m’a dit : "On va faire un travelling !" Ce jour-là a été très agité : le premier travelling de l’histoire du cinéma… Depuis, j’aime les films de ceux qui tentent de réinventer un peu de cinéma à chaque fois, certains films de Scorsese, de Lynch, de Tsaï Ming-liang. Il y a toujours là quelque chose d’auroral : pas la pureté, mais le primitif.»
1964 « Je réalise mes deux premiers longs métrages, la Commare secca [les Recrues, ndlr] et Prima della rivoluzione . Pas du tout aimés en Italie. J’ai la chance d’aller avec le second à la Semaine de la critique de Cannes et d’être adopté par les gens des Cahiers du cinéma . Je suis fier de cette adoption française, car tout ce qui me touche alors vient de la Nouvelle Vague.»
1970 « Avec le Conformiste, je décide d’avoir un retour du public. Passer du film-monologue des années 60 au film-dialogue avec les gens. On m’accuse immédiatement de trahison. Mais j’ai lu le Plaisir du texte de Roland Barthes, et je sais désormais que je peux penser au plaisir esthétique et au succès comme quelque chose qui n’est pas nécessairement de droite.»
1972-1973 « Le dialogue avec le public devient presque trop intense. Et le plaisir prend des dimensions d’overdose. C’est le Dernier Tango à Paris. Je comprends alors que ce que me disait Pasolini était vrai : "Le succès est un cauchemar."»
1974-1975 « Je suis très fier d’avoir réussi à faire travailler ensemble trois studios hollywoodiens pour 1900. United Artist, Paramount et la Fox financent conjointement un film sur la naissance du Parti communiste dans la plaine du Pô. Ces majors s’intéressent soudain aux cocos et je fais confectionner le plus grand drapeau rouge jamais vu avec des dollars américains. 1900, tournage d’une année : l’équipe est comme une petite armée d’occupation dans la plaine du Pô. Machinistes, électriciens, acteurs s’inventent des deuxièmes familles au gré de leurs amours. Le film suit toutes les saisons de l’année, comme les saisons de la vie d’Olmo et d’Alfredo, Depardieu et De Niro. 1900 se fonde sur la contradiction : le drapeau rouge et les dollars, la prose et la poésie, les acteurs hollywoodiens et les paysans, la fiction et le cinéma-vérité.»
1978 « Assassinat d’Aldo Moro, tué pour mettre fin à une belle idée. Quand Berlinguer et Moro se sont aperçus que les ouvriers communistes et catholiques faisaient grève ensemble, bras dessus bras dessous, ils ont voulu répéter cela au Parlement. Ce "compromis historique" n’était pas supportable pour les terroristes d’extrême gauche ou d’extrême droite. La mort d’Aldo Moro signe, en Italie, la fin d’une période très intense de passion et d’inspiration politiques. A cette invention succède une longue période de végétation. Moi-même, je me considère alors comme un légume, jusqu’à mon premier voyage en Chine.»
1984 « Chine : il fallait ces milliers de kilomètres et la découverte de la culture la plus ancienne et la plus fascinante pour m’éloigner des fantômes de la corruption et du cynisme qui hantaient l’Italie.»
1987 « Le Dernier Empereur gagne neuf oscars. Je constate que ce qui est pour les Américains l’occasion d’une vraie mystique, presque une religion, n’est pour moi, Européen, qu’un voyage à Disneyland. J’ai regardé les Américains de l’équipe du Dernier Empereur recevoir leurs statuettes en larmes, quand je n’ai eu pour ma part que des fous rires.»
2003 « Sortie sur les écrans de The Dreamers . En voyant le film avec l’équipe française et des amis parisiens, je réalise que c’est le film lui-même le grand rêveur, celui qui rêve les rêveurs.»
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«DERNIER TANGO», SOUFRE ET SOUFFRANCE
Par Anne Diatkine, Libé, 26 novembre 2018 à 21:06
Auréolé de scandale à sa sortie, le film servira de tremplin aux ambitions de Bertolucci. Quarante ans après, le traumatisme de l’actrice Maria Schneider, enfin entendu, ternira la légitimité du cinéaste.
Le plus grand succès de Bernardo Bertolucci, celui qui le transforma en star internationale sulfureuse et lui assura une popularité et les assises pour tourner la fresque 1900, est aussi celui qui, quarante ans plus tard, entachera sa filmographie, mettra en cause ses méthodes de travail et deviendra, dans le sillage de l’affaire Weinstein, un cas d’école d’abus de pouvoir et de manipulation d’un cinéaste à l’égard de son actrice.
Pulsion.
Maria Schneider n’a pas 20 ans lors du tournage du Dernier Tango à Paris. Très peu d’années après la sortie, elle a dit jusqu’à plus soif, sans être entendue, le sentiment de viol et le traumatisme causés par la fameuse scène de sodomie simulée et lubrifiée avec du beurre, non inscrite dans le scénario et fomentée le matin même de la prise par Marlon Brando et Bertolucci. Et le cinéaste n’a jamais caché qu’il avait voulu «capturer la rage et l’humiliation de la femme et non de l’actrice, ses vraies larmes, et cette blessure a été utile au film. Je ne crois pas qu’elle aurait réagi de la même manière si elle avait été mise au courant», comme il l’évoque en 2013, lors d’une masterclass à la Cinémathèque française.
Si toute œuvre dépend de son contexte et est susceptible d’être réévaluée, le Dernier Tango est probablement l’un des films sur lesquels le regard critique et public a le plus diamétralement bougé. Lorsqu’il sort sur les écrans français en 1972, Bertolucci n’a que 31 ans, il a déjà signé Prima della rivoluzione, la Stratégie de l’araignée, le Conformiste, qui font de lui une figure montante du cinéma d’auteur européen et qui dialoguent avec le passé. Avec le Dernier Tango, pour la première fois, le cinéaste virtuose veut capter l’air de son temps, la libération sexuelle, la pure pulsion de la libido indépendamment des places et des codes sociaux.
Jeanne - la jeune fille incarnée par Maria Schneider - et Paul - l’homme au mitan de sa vie, que Brando joue à merveille - ne savent rien l’un de l’autre. Et si le film montre Jeanne avec son amoureux délaissé (Jean-Pierre Léaud) ou dans la maison de son enfance, leur pari est de consumer leur passion sexuelle sans jamais se raconter. La jeune actrice est nue dans presque toutes les scènes au sein du grand appartement vide. L’homme, lui, est vêtu. La teinte dominante de l’image signée par Vittorio Storaro est un orange chaud. Maria Schneider n’a pas le choix : «Une proposition avec Brando ne se refuse pas», lui dit son agent. Elle s’exécute, mais refuse la chirurgie pour réduire sa poitrine que voulait lui imposer Bertolucci. Elle perd 16 kilos pendant le tournage, travaille le week-end et tous les jours jusqu’à minuit, elle est soumise au cinéaste, dépendante du regard et des approbations de celui qui joue à ne pas lui adresser la parole, contrairement à Brando qui, statutairement, a le pouvoir d’imposer des limites.
A sa sortie, rappelle Vanessa Schneider dans Tu t’appelais Maria Schneider, le beau livre qu’elle a consacré à sa cousine, les interdictions du film à scandale dessinent «une carte politique du monde». «Interdit dans les dictatures, en URSS, dans l’Espagne franquiste», mais autorisé dans les démocraties, il crée des embouteillages à la frontière italienne, où le Vatican l’a censuré. Dans l’unique cinéma de New York où le film est d’abord projeté, il faut retenir sa place une semaine à l’avance.
Misogynie.
Dans le Monde du 15 décembre 1972, jour de sa sortie en salles, Bertolucci explique «qu’aux Etats-Unis, les women’s lib [militantes féministes, ndlr] ont beaucoup apprécié le film parce qu’il montre la brutalité réelle des rapports hommes-femmes.» Le cinéaste s’exonère de toute misogynie : «J’ai aimé regarder et montrer Maria Schneider marcher, vivre, subir et aussi se défendre. […] D’ailleurs, elle tue Marlon Brando, elle tue l’image du père.»Puis, sans transition : «Dans un couple, c’est l’homme qui donne le rythme. J’ai vu ma mère, toute sa vie, s’adapter au rythme de mon père. Qu’est-ce qu’une femme peut demander de mieux ?» Le lendemain, le critique du Monde note qu’«on se défait mal de la tristesse, du désespoir quasi métaphysique, qui imprègne ce film».
Sur sa lancée, Bertolucci tournera La Luna, autour d’un inceste mère-fils, qui n’eut pas le même retentissement. Maria Schneider ne se remettra jamais de ce premier film, fardeau glorieux qui transforma sa vie en cauchemar. En 2016, le vent tourne. Hollywood s’épouvante, à la suite d’un tweet de l’actrice Jessica Chastain : «A tous les gens qui aiment ce film, vous regardez une jeune fille de 19 ans se faire violer par un homme de 48 ans. Le cinéaste avait planifié son attaque. Ça me rend malade.»
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26 novembre 2018, 16:29
Le plan de Maria Schneider que je n'oublierai jamais est celui-ci, tiré de Profession : Reporter d'Antonioni – trop beau, et mélancolique.
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26 novembre 2018, 16:30
La 12e partie du Championnat du monde d'échecs a commencé. Magnus joue encore une sicilienne, lesquelles sont bien analysées ici, avec AlphaZero et le GM Matthew Sadler (les parties 1, 3, 5 et 8).
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26 novembre 2018, 19:10
12e partie nulle, geeeee....
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