Hangar à bananes
En images : Les « mots-maux », de Gilles Barbier, s’exposent à Nantes
L’exposition intitulée « Travailler le
dimanche » a lieu jusqu’au 26 septembre dans le cadre du parcours
artistique Voyage à Nantes.
Par Claire Gilly
Publié le 2 juin 2021 à 07h30
Le mot, l’écriture, le langage,
la trace et l’empreinte, l’idée, le sens et bien plus encore. « Travailler le
dimanche demande une humilité absolue, en une totale et stupide injustice.
Voilà pourquoi j’ai choisi de copier le Larousse illustré », explique Gilles Barbier. « Ainsi, une petite
phrase griffonnée peut occuper toute une vie d’homme », poursuit-il. Ce projet au long cours, immense et
obsessionnel – dont un extrait de 24 pages est montré à la HAB Galerie (Le
Voyage à Nantes) jusqu’au 26 septembre – est réalisé à main levée, version
grand format. Avec humour et ironie, des œuvres sur papier (à l’encre ou à la
gouache) côtoient des sculptures en matières organiques ou artificielles, dont
les personnages – comme celui de la « Vieille femme aux tatouages » et les animaux taxidermisés – sèment le trouble, le
doute et l’incertitude. Marie Dupas, chargée de projet du Voyage à Nantes et
commissaire de l’exposition, commente une sélection de dessins et de sculptures
présentés dans cette exposition, et tente d’éclairer la démarche de l’artiste.
« Jeu de la vie », 2021, et « L’Inconséquence des gestes », 2006 – Collection Antoine de Galbert – GILLES BARBIER – « TRAVAILLER LE DIMANCHE ». HAB GALERIE – VOYAGE À NANTES. MARTIN ARGYROGLO / LVAN
« Réalisé pour la
première fois en 1992, Game of Life – Jeu de la vie représente
un labyrinthe constitué de cases, posées au sol, qui contiennent des morceaux
de papier sur lesquels sont griffonnés des énoncés : “Habiter la
peinture”, “Corriger la réalité” ou encore “Partir
à la conquête de l’espace”. Sur l’un d’eux est écrit : “Travailler
le dimanche”. Le pion, qui n’est autre qu’un mini-Gilles Barbier en cire,
intitulé L’Inconséquence des gestes, est arrêté sur cette
case : “Travailler le dimanche”, qui deviendra “Copier
le dictionnaire”, et donnera corps à l’œuvre de l’artiste. »
« De “Minage” à “Naufragé” et son errata [détail] », 2016, Collection privée – GILLES BARBIER – TRAVAILLER LE DIMANCHE. HAB GALERIE – VOYAGE À NANTES. MARTIN ARGYROGLO / LVAN
« L’artiste copie
à l’encre les définitions des mots qui apparaissent dans l’ordre alphabétique
et reproduit à la gouache les illustrations du Petit Larousse illustré de 1966.
C’est la feuille, de format carré, qui dicte le dernier mot. Cette entreprise
nécessite des centaines d’heures de copie. »
« Le Livre des erreurs », 1995 – GILLES BARBIER – TRAVAILLER LE DIMANCHE. HAB GALERIE – VOYAGE À NANTES. MARTIN ARGYROGLO / LVAN
« De feuilles
volantes en carnet, la copie des pages du dictionnaire – des mots aux
illustrations – engendre parfois des erreurs. Gilles Barbier les corrige, sous
forme d’Errata présentés aux côtés des Pages. Chacune
de ses erreurs est inventoriée dans un livre qui leur est spécialement
dédié. »
« Smiling Skull », 2008, Courtesy Galerie, G-P & N Vallois (Paris) – GILLES BARBIER – TRAVAILLER LE DIMANCHE. HAB GALERIE – LE VOYAGE À NANTES. MARTIN ARGYROGLO / LVAN
« “La
vanité de mon entreprise, dans le vaste jeu qu’elle entretient avec la vie,
avec le corps, convoque la figure de la mort. Elle rôde toujours, non comme une
ombre malfaisante, mais comme le risque d’un point final ; ou du reste
d’un point-virgule”, écrit Gilles Barbier. Par
et dans son œuvre, l’artiste garde le sourire malgré la gravité du
sujet. »
« Entre les articulations, le langage », 2021, GILLES BARBIER –TRAVAILLER LE DIMANCHE. HAB GALERIE – VOYAGE A NANTES. MARTIN ARGYROGLO / LVAN
« L’œuvre de Gilles Barbier fonctionne comme un
gigantesque organisme en expansion, comme une constellation, à l’image de la
sculpture composée d’os reliés les uns aux autres qui partent dans toutes les
directions. A chaque articulation, une bulle blanche pour autant de
mots-maux. »
« La Vieille femme aux tatouages », 2002, collection privée – GILLES BARBIER – TRAVAILLER LE DIMANCHE. HAB GALERIE – VOYAGE À NANTES. MARTIN ARGYROGLO / LVAN
« L’écriture et
le langage, mais aussi la pensée et des idées occupent une place centrale dans
la démarche de Gilles Barbier. En résonance à la copie – entreprise fastidieuse
– du dictionnaire, des sculptures et installations de l’artiste viennent
compléter ce périple dans cet univers de mots. Ici, l’écriture marque le corps
d’une femme âgée, nue sur sa méridienne, la peau tatouée des marques de
cosmétiques. »
« Hello », 2014, Courtesy Galerie, G-P & N Vallois (Paris) – GILLES BARBIER – TRAVAILLER LE DIMANCHE. HAB GALERIE – VOYAGE À NANTES. MARTIN ARGYROGLO / LVAN
« Dans cette
œuvre, l’artiste nous parle avec la langue des signes, utilisée par les
malentendants. Issues d’une culture, d’une éducation et d’une langue
différente, deux personnes n’y verront pas – et n’y liront pas – le même
message. Pour certains, ce ne sont que des mains dressées, pour d’autres, des
mots à décrypter. »
« Emmental Head », 2003, collection privée, Galerie G-P & N Vallois (Paris) – GILLES BARBIER – TRAVAILLER LE DIMANCHE. HAB GALERIE – VOYAGE À NANTES. MARTIN ARGYROGLO / LVAN
« Pour Gilles
Barbier, les pensées sont imprévisibles comme le fromage qui coule, glisse,
s’échappe de son enveloppe. Elles creusent leurs galeries dans notre esprit
comme les trous dans un morceau d’emmenthal. »
« Les Pages roses », 2021, GILLES BARBIER – TRAVAILLER LE DIMANCHE. HAB GALERIE –VOYAGE À NANTES. MARTIN ARGYROGLO / LVAN
« Dans le
dictionnaire, comprises entre les noms communs et les noms propres, les pages
roses rassemblent les locutions latines et grecques. Ici, dans une salle
entièrement peinte de la même couleur, Gilles Barbier donne la parole à des
animaux morts conservés qui s’interrogent en latin sur leur existence, dans un
dialogue absurde constitué de formules convenues et fossilisées. »
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Le dictionnaire détourné de Gilles
Barbier exposé au Hangar à bananes, à Nantes
L’artiste à l’esprit joueur présente son interprétation du
« Petit Larousse illustré » jusqu’à fin septembre.
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