Wasp-121b

Wasp-121b, la planète incandescente aux sept métaux

Par Camille Gévaudan (Libé) — 15 octobre 2020 à 15:20

Vue d'artiste de la planète Wasp-121b, chauffée à blanc par son étoile, et dont l'atmosphère s'évapore dans l'espace. 
Image Engine House VFX, At-Bristol Science Centre, University of Exeter

Une équipe d'astronomes dévoile une exoplanète parmi les plus extrêmes qu'on connaisse : chauffée à blanc par la proximité de son étoile, elle émet sa propre lumière et abrite sept métaux sous forme de vapeur dans son atmosphère.

On n’a pas fini de s’étonner devant la diversité des exoplanètes. On a trouvé des jumelles de la Terre potentiellement habitables, une planète où il pleut du fer, une autre avec de l’eau dans l’atmosphère, une planète couverte de diamant… Aujourd’hui, c’est une planète du genre extrême qui vient ajouter son nom au palmarès des insolites : à 850 années-lumière d’ici, Wasp-121b est si chaude qu’elle émet sa propre lumière, et abrite pas moins de sept métaux vaporisés dans son atmosphère.

Au bord de la rupture
Il faut dire qu’elle n’a pas choisi l’environnement le plus reposant : le bolide Wasp-121b orbite autour de son étoile en un peu plus d’un jour (là où la Terre met un an à boucler un tour du Soleil) et à une distance moyenne de 3 806 000 km (soit 39 fois plus proche que la distance Terre-Soleil). Ainsi collée aux basques de sa grosse boule de feu, la planète chauffe, brûle… rôtit, même. A sa surface, il fait plus de 2 500 °C. Une température comparable à celle de certaines étoiles.

Wasp-121b est classée dans la famille des «Jupiter chauds», des exoplanètes gazeuses plus grandes et plus chaudes que notre Jupiter locale. Elle est même dans le haut du panier, les Jupiter «ultra-chaudes». Sa température entraîne une dilatation de la planète, de sorte que si Wasp-121b fait seulement 1,2 fois la masse de Jupiter, elle en a 1,9 fois le diamètre. Gonflée, la planète.
Vue d’artiste de la planète Wasp-121b, si proche de son étoile que le côté «jour» chauffe à 2500° C en surface. 
Image NASA, ESA, G. Bacon (STSci)

Mais tout cela, on le savait déjà. Les astrophysiciens du projet Wasp ont décrit dès 2015 cette planète brûlante, si proche de son étoile que son atmosphère s’évapore dans l’espace au rythme estimé de mille tonnes de gaz par seconde. Si proche de son étoile qu’elle est même au bord de la rupture : un peu plus près encore et elle serait disloquée par les forces de marée dues à l’attraction de l’étoile.

Côté jour
Mais pour l’instant, elle tient. Et elle brille, même – alors que la plupart des planètes ne font que refléter la lumière de leur étoile. On le sait car les astronomes ont mesuré la luminosité globale provenant du système Wasp-121 : il se trouve qu’elle varie au cours du temps. La luminosité intrinsèque de l’étoile est fixe, et les variations viennent du surplus de lumière émise par le côté «jour» de la planète, celui qui fait face à l’étoile, éclairé et incandescent.
On peut corréler la courbe de luminosité aux phases de la planète (comme les phases de la Lune) : plus elle nous dévoile son côté incandescent et plus la luminosité globale augmente. Et on remarque que quand Wasp-121b passe derrière son étoile par rapport à nous, qu’elle est cachée par l’astre, la luminosité globale marque un petit creux.
Courbe de luminosité du système Wasp-121. La luminosité baisse un peu lorsque la planète passe derrière son étoile (à gauche), et beaucoup lorsque la planète passe devant l’étoile (à droite). On voit aussi les «phases» de la planète, c’est-à-dire l’orientation de son côté jour, incandescent, par rapport à un observateur sur Terre. (Bourrier et al, 2019)

Quand la planète est cachée, seule la lumière de l’étoile parvient jusqu’à nos télescopes. Quand la planète est «visible», sa propre lumière y est additionnée. Il suffit donc de faire la différence entre ces deux spectres de lumière pour déduire celui de la planète. Et quand on sait quelles longueurs d’onde elle émet et absorbe, on sait quels éléments chimiques composent son atmosphère.

Métaux évaporés
C’est là que réside la nouvelle découverte de cette année 2020, publiée ce mois-ci dans Astronomy & Astrophysics. L’analyse du spectre lumineux de la planète a révélé la présence de sept métaux sous forme de gaz dans son atmosphère : du fer, du chrome, du nickel, du calcium, du sodium, du magnésium et du vanadium. Ce dernier métal, le vanadium, «est communément trouvé dans les naines brunes, ces "étoiles ratées" qui ont certains points communs avec les planètes», rappelait la Nasa en 2017, quand la présence du vanadium sur Wasp-121b restait à prouver. «De tels composés ne peuvent être présents que dans les Jupiter les plus chaudes, car il faut des températures très hautes pour les garder dans un état gazeux.»
«Tous les métaux se sont évaporés à cause des hautes températures qui règnent sur Wasp-121b», résume Jens Hoeijmakers, chercheur rattaché aux universités de Genève et de Berne, et principal auteur de l’étude. «L’air de cette exoplanète consiste donc en des métaux évaporés, entre autres choses.»

Identité
Hoeijmakers se réjouit de la richesse des informations que son équipe a pu tirer sur la planète Wasp-121b : «Après des années à cataloguer ce qui peuple l’espace, on ne se contente plus de prendre des mesures, mais on commence vraiment à comprendre ce que nous montrent les données de nos instruments. Comment les planètes se ressemblent et diffèrent les unes des autres.» L’époque où on enfilait les découvertes d’exoplanètes comme des perles sur un collier, en se contentant d’annoncer leur numéro de référence, une estimation de la masse et de leur orbite, touche à sa fin. Les progrès techniques aident désormais à dresser l’identité particulière de chaque nouvelle planète. «De la même manière que Charles Darwin a commencé à développer sa théorie de l’évolution après avoir caractérisé d’innombrables espèces animales, nous commençons à mieux comprendre comment ces exoplanètes se sont formées, et comment elles fonctionnent.»

Camille Gévaudan

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