Toute
cette histoire commence avec une annonce qui passe à la télévision sur la 5 :
«
Jean-Paul Gaultier
se défile ! devant la caméra de Loïc Prigent. En janvier dernier,
l’enfant terrible de la mode tirait sa révérence lors d'un tout dernier défilé.
Un ultime show filmé par Loïc Prigent pour France 5, qui dévoile pendant 52
minutes les adieux de Jean-Paul Gaultier aux podiums. Comme une petite souris,
le documentariste se glisse dans les coulisses de ce défilé festif et y
recueille notamment les témoignages des muses historiques du couturier, émues
par ce dernier tour de piste. Il immortalise surtout ce spectacle extravagant
et magistral constitué de 16 tableaux, 240 tenues et quelques larmes ».
Nous fûmes
appâtés par la bande-annonce (de 85 secondes) et
regardâmes. Ce fut parisien, drôle et cheap à la fois, avec des sœurs Hadid en majesté – parmi d’autres « muses ».
Quelques
jours plus tard, souhaitant revoir et partager ce documentaire, je google « Prigent
+ Gaultier ». Chou-blanc : « Cette vidéo n’est pas disponible
dans votre région ». Mon œil est néanmoins attiré par ceci :
C’est
daté du 27 septembre, ça ne fait que 18 minutes, il y a
Venise et son festival du film… Je regarde, sans bien savoir qui est Léna
Mahfouf (ce nom ferait sourire les Bruxellois...)
Je
comprends vite qu’il ne s’agit que d’un long « partenariat » (une
publicité) pour Miu-Miu – mais comme c’est Loïc Prigent, que ce dernier a un
certain savoir-faire et qu’on est à Venise, je me fade la chose jusqu’au bout.
Et là je
prends une claque. Surtout au moment où la mini-starlette que suit Prigent
entre dans la suite qu’on lui a réservée au… Bauer-Grünwald. Car le Bauer, c’est
l’hyper-luxe et la classe, je n’y ai mis les pneus que deux fois : en
reportage pour la Commission européenne il y a 45 ans (sans y passer la nuit) et
en 1993 quand mon fils tomba dans les vapes, victime d’une insolation sur le
campo San Stefano tout proche (on l’allongea dans l’un des plus beaux canapés du
hall, il y reçut les premiers soins, je n’y ai pas dormi non plus). Bref, cette
gamine est accueillie comme la reine d’Angleterre (taxi Rivas privé qui
coûte un bras, attachée de presse, équipe de tournage…) alors qu’elle n’est, apprends-je
au fil du récit, qu’une banale « influenceuse ». Il fait magnifique à
Venise, Prigent tourne de belles images, la Mostra sert d’arrière-plan, la dame
Mahfouf est omniprésente (zen et rigolote). Vous aurez compris que je suis dévoré
par la jalousie de ne pas y être, à Venise, dans la suite du Bauer, ou à la Mostra, aux bons soins d’une bande de zozos.
Je viens
d’écrire « banale influenceuse » – atchoum.
Le Figaro Madame
du 23 septembre dernier :
> La
fille à suivre. Loïc Prigent ne jure que par elle et la fashionsphère
commence à lui dérouler ses tapis rouges. À 22 ans, cette entrepreneure captive
des millions d’abonnés avec ses vidéos réalité bien ficelées. Rencontre avec
une girlboss assumée.
Quand on
lui demande quel est son métier, Léna Mahfouf répond : « Je suis une
youtubeuse atteinte du syndrome de l’imposteur ». Imposteur(e) ? Avec
1,6 million d’abonnés sur sa chaîne YouTube, baptisée Léna Situations, 2
millions de followers sur Instagram, 1,2 million sur TikTok et 800.000
sur Twitter, la nouvelle cool kid des réseaux sociaux est surtout
devenue une icône de la génération Z et autres millennials. Facebook ?
« Ça fait longtemps que je n’y suis plus, répond-elle en riant. Ce réseau,
c’est un peu notre Minitel à nous ! »
Bon, une
vidéo chassant l’autre, comme une image, un article, ou 95% de ce qui nous tire
l’œil, je vaque à autre chose. Toute cette histoire me sort complètement de la tête (sauf
Gigi).
Et puis
hier soir ceci, dans l’Obs de la semaine :
Ce sont
les meilleures ventes d’essais. Alzheimer et moi ignorons qui se cache derrière le pseudo situationniste
qui tient la corde, ni ne comprenons le titre « Toujours plus ». Bah, on
s’en fiche – car du côté des romans, ce sont bien Levy et Musso qui sont en #1 et #2.
Je
google quand même. Deuxième claque : c’est ma Mahfouf que j’avais oubliée ! Elle a déjà vendu….
100 000 (cent mille) « Toujours plus » ! Et ça continue par
palettes entières !
Le monde
est-il juste ? Oui, bien sûr – il est comme ça. À l’heure des girlboss
et de l’auto-entreprenariat, on se met à la colle avec Seb la Frite. Profites-en Léna. Et longue vie à ton squad ! (J’irai à Venise l'an prochain pour la Biennale ET pour la Mostra, dis-le à Loïc !-)
Ah, et que veut dire le + = + en blanc sur la couverture ci-dessus ? Vous le saurez en lisant le portrait en 4e de couverture de Libé, paru il y a une semaine.
LE PORTRAIT
Léna Situations, la positive attitude
Par Samuel Kirszenbaum (photo) et Juliette Delage — 9 octobre 2020 à 17:41
Entre deux conseils de mode, la jeune youtubeuse enthousiaste et ambitieuse distille des messages sur le harcèlement et le féminisme.
Léna Situations, née Mahfouf, n’a pas hésité un instant lorsqu’on lui a proposé de la photographier à l’air libre. En ce lundi de septembre, les rues de l’Est parisien sont presque vides et on pense pouvoir en profiter sans encombre. Aurait-on été trop naïfs ? Quelques minutes suffisent avant que deux jeunes femmes, la vingtaine tout au plus, interrompent notre shooting improvisé. Un hasard ? Pas vraiment. Voilà six jours que les deux Bretonnes arpentent la capitale à la recherche de leur idole. Elles le reconnaissent sans fard, comme si la proximité que la youtubeuse entretient avec ses fans suffisait à justifier une telle entreprise.
Depuis 2016, Léna Situations met en scène son quotidien sur YouTube, avec une spontanéité déconcertante, dans des vidéos édulcorées au montage ultraléché. On y découvre sa bande de potes, ses voyages, ses questionnements existentiels, ses fous rires comme ses crises d’angoisse. Un Friends 2.0 où l’on passe d’un «cap’ ou pas cap’» juvénile dans les rues de Marseille à un (faux) mariage improvisé à Vegas. Léna Situations navigue sans difficulté entre une vie banale de jeune au seuil de sa vie d’adulte et un destin d’héroïne de comédie romantique américaine. «Je ne joue aucun rôle, je suis exactement comme dans mes vidéos», jure-t-elle. Résultat : 1,6 million d’abonnés sur YouTube, 800 000 sur le plus récent TikTok et 2 millions sur Instagram. En quatre petites années, et alors que la plupart des stars de la plateforme vidéo étaient déjà bien implantées, Léna Mahfouf s’est imposée comme une figure emblématique de l’Internet des jeunes. Et l’on comprend mieux la familiarité avec laquelle ses deux admiratrices l’ont abordée. «Je suis toujours contente de croiser des abonnés, mais ça me fait quand même un peu flipper qu’elles m’aient cherchée», lâche la jeune femme, avec un air crispé qu’on ne lui connaissait pas.
Dans son appartement, un duplex sinueux traversé par un escalier en colimaçon futuriste, gisent pêle-mêle des sacs de grandes maisons ainsi que quelques exemplaires de son dernier projet en date : Toujours plus, un guide de développement personnel, déjà un succès de vente (un premier tirage de 100 000, en cours de réimpression). Elle y revient sur son parcours et développe sa philosophie de vie, résumée en un petit tatouage, dans le creux de son poignet gauche : «+ = +», Comprendre «le positif amène le positif».
Léna Mahfouf parle à toute berzingue, sans jamais s’arrêter de sourire, mais le contraste avec la voix presque basse surprend. Assise en tailleur sur son canapé, elle ajuste sa petite robe noire, un modèle fluide ouvert au niveau des épaules et de la poitrine. Le nom d’un de ses partenaires les plus prestigieux, Dior, enserre son cou en lettres strassées. «Je vis mon rêve, c’est vrai. Mais j’ai tout fait pour en arriver là. Ce n’est pas un hasard.» Ses parents sont nés en Algérie. Léna et son petit frère, en France. Ils grandissent à Paris. La mère, Sabrina, styliste modéliste à son compte, initie sa fille à la mode. Elle a installé son atelier juste en dessous de l’appartement familial, où s’amoncellent sans cesse des chutes de tissus. Le père, Karim, marionnettiste, transmet l’art de raconter des histoires. «Autant dire qu’on a l’habitude des métiers originaux, on n’a pas vraiment eu de crainte quand elle s’est lancée sur YouTube», assure-t-il, hilare. L’enfance est douce mais n’a rien de fastueux. Les parents, athées et peu politisés, transmettent à leurs enfants «des valeurs universelles de gauche», et mettent à leur disposition la Bible, le Coran et la Torah.
Après son bac littéraire, Léna fonce tête baissée vers ce qui la fait vibrer : la mode. «Pour moi, c’est l’activité dans laquelle tu peux le plus facilement exprimer la personne que tu es.» Elle s’inscrit dans une école privée de communication et marketing spécialisée dans la mode et le luxe. Ses parents piochent dans leurs économies pendant qu’elle cumule «jusqu’à six petits boulots», pour financer sa troisième année à New York. Elle rentre «ruinée» mais avec une communauté grandissante sur les réseaux sociaux. «C’était le moment de voir si je pouvais vraiment faire de YouTube mon métier.» Elle met un terme à ses études, «sans regret». Depuis, elle a fondé son entreprise, travaille comme une acharnée, souvent seule, «en mode avion», dopée aux «microsiestes». Loïc Prigent, documentariste de mode dont elle est proche, la surnomme «la petite boîte de prod». Elle se présente à la fois comme «créatrice de contenus» et «consultante pour des marques», et assure que ses multiples partenariats, qui vont de la fast-fashion à la haute couture, n’entachent pas sa liberté de ton. Pourrait-elle prétendre le contraire ? Son image de grande sœur authentique et réconfortante est devenue un vrai business, qu’elle contrôle de main de maître. Combien tout ça lui rapporte-t-il ? «Assez pour me faire plaisir, pas assez pour m’acheter un appartement», rétorque-t-elle, plus habituée à entendre cette question qu’à y répondre. Elle dit n’avoir qu’une obsession : «pérenniser» son activité, en la diversifiant. «Ma mère a un cancer depuis quelques années. Elle était indépendante et, en arrêtant de travailler, elle n’a plus eu de ressources. Ça m’a fait prendre conscience que tout peut s’arrêter du jour au lendemain.»
«Elle a un peu perdu l’image de la jeune fille qui galère avec ses jobs étudiants, économise pour acheter des marques. Il y a un décalage avec sa cible, souligne Vincent Manilève, auteur d’un essai sur l’écosystème des youtubeurs. Mais s’arrêter là serait une erreur : elle a réussi à s’imposer en tant que femme racisée sur YouTube et à y porter des messages peu abordés.» Victime de harcèlement scolaire lorsqu’elle était collégienne, à cause de ses cheveux frisés, son «talon d’Achille», Léna Situations distille des messages contre toutes les formes de discrimination. Au sein de son «squad», son groupe d’amis youtubeurs, se trouvent, entre autres, le chanteur Bilal Hassani, régulièrement visé par des attaques homophobes, ou Sulivan Gwed, qui a subi une importante campagne d’acharnement en ligne. Pas épargnée, la youtubeuse a fait face, en mai, à un déferlement de haine prenant pour cible sa poitrine. Si elle se sent féministe ? «C’est une évidence !» L’annonce de son couple avec Seb la Frite, un youtubeur coté, a provoqué une avalanche d’insultes. «On ne voulait pas en parler, je savais qu’on allait m’accuser de profiter de sa notoriété. Ça n’a pas loupé.» Les critiques qu’elle reçoit sur son parcours d’entrepreneuse l’exaspèrent. «Aujourd’hui encore, être une femme et avoir de l’ambition, ça dérange. On parle de fille "carriériste", c’est toujours très négatif. Moi, je considère que j’ai une passion et que je fais tout ce que je peux pour aller au bout.»
19 novembre 1997 Naissance à Paris.
Depuis 2016 Vidéos sur sa chaîne YouTube.
10 novembre 2019 «Influençeuse française pop culture de l’année» aux People’s Choice Awards.
24 septembre 2020 Toujours plus (Robert Laffont).
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Bonjour Anonymous, j’espère que ça mieux depuis votre dernier spam !
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