Homecoming
« La rue Fontaine d'Amour (Minnebronstraat en
néerlandais) est une rue bruxelloise de la commune de Schaerbeek qui va de la
rue des Pâquerettes à l'avenue des Azalées. Cette rue porte le nom d'une source
située un peu plus loin dans le parc Josaphat. »
J'ai rencontré Evelyne Axell à Uccle, lors d'un
anniversaire enfumé, elle avait 37 ans et moi 20. Nous nous sommes plu, avons
passé de grands bouts d'été ensemble, fait l'amour chez elle (dans plusieurs
paires de draps, debout contre les murs ou en apnée dans son immense
baignoire).
Elle est morte à Zwijnaarde, tuée par un alcoolique dans
un accident de voiture. C'était un jour de septembre et celui d'un autre
anniversaire – le mien. Son américaine, enroulée autour d'un poteau d'éclairage,
n'avait laissé aucune chance à la toile peinte pour l'occasion (on distingue à
peine celle-ci sur une photo N/B que j'ai toujours – photo que je ne regarde
presque jamais car je pleure vite comme un veau).
En 2002 je fais la connaissance d'Élisa Burr (oui, comme
les puzzles en bois du même nom, mais rien à voir). C'est une grande brune,
mariée à un type taiseux et doux, astrophysicienne et romancière sous un nom
d'emprunt. Elle racontait dans une pizzeria la goujaterie de Poivre d'Arvor qui
l'avait invitée quelques années auparavant en fin de JT. Elle devait y évoquer
son premier roman – le viol en réunion d'une adolescente. Élisa s'était
préparée depuis Schaerbeek à vamper son PPDA : mini-short en cuir, bas résille à couture serré sur jambe interminable, petite truelle de khôl autour des yeux. Après
ce que je vais lui faire, il a intérêt à promouvoir mon bouquin, se disait-elle
dans le TGV. Lequel bouquin, finit-elle par apprendre, le beau Patrick n’avait
même pas sorti de l'enveloppe du service de presse.
Élisa, comme Evelyne avant elle – et comme certain poète
orientalisant connu seulement de Wikipédia – avait vécu avec son homme au 11
rue Fontaine d'Amour, à 100 mètres de la source. Je reconnus sans peine les lieux à 30 ans d'intervalle –
mais voilà que ce récit s'éternise, filons plutôt droit vers le but : la Fontaine
d'Amour du parc Josaphat n'a jamais existé. La prétendue source est une
construction, avec fausses pierres ardennaises, long tuyau de plomb (remplacé
depuis) et pompe alimentée par un moteur au fioul (aujourd'hui électrique).
Élisa est morte du cancer il y a trois ans. La maison du
11 porte malheur. J'y logerais bien notre ministre de la Santé, Maggie De
Block, volumineuse ganache à qui je dédie ce palindrome infini (lequel me
trotte en tête au lieu du souvenir enchanté des deux seules
femmes-fontaine que j'ai connues dans ma vie) : « Enrobée bornée, enrobée
bornée, enrobée bornée… » Crève donc, Maggie De Block – bloc de gélatine,
œil de faucon sec, criminelle taciturne à coronavirus.
Ainsi va la mémoire des voies humides – et vont les retours
aux sources manqués.
« Le parc Josaphat est un parc à l'anglaise de forme
coudée de près de 30 hectares. Confié à l'architecte-paysagiste Edmond
Galoppin, son aménagement se déroule essentiellement entre 1905 et 1914.
Galoppin s'attache à donner au parc une apparence pittoresque en créant dans sa
partie basse des enrochements en rocaille et des chemins irréguliers serpentant
autour d'un chapelet d'étangs. En 1954, la bande de terrain comprise entre le
chemin de fer de ceinture et l'actuelle avenue Van Vollenhoven est transformée
en golf miniature. Le parc fait l'objet d'une importante restauration entre
2006 et 2011. Il est aussi une vaste galerie de sculptures en plein air – dont
la Fontaine d'Amour de Mon De Rijck (impudique coulée de marbre jaillissant à la fois d'une vulve et d'une paire de jambes) éclabousse le ciel de la commune depuis
1987. »
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