Lettre ouverte au cinéma Galeries
Bonsoir à tous,
Je viens de voir pour la seconde fois chez vous le beau
film de Léos Carax (la première fois c’était le 26 juin en présence du
réalisateur, au BRIFF). Apparut à l’écran aujourd’hui, avant la projection
proprement dite, un avis que je n’avais pas remarqué en juin,
expliquant un projet baptisé Some strings (« Quelques ficelles »),
visible au sous-sol. Cet avis semblait faire l’éloge d’un poète palestinien
mort à Gaza, lors d’un bombardement. Je n’ai pas bien compris de quoi il s’agissait,
mais les mots utilisés m’ont interpellé. Après le Carax je suis descendu voir l’exposition
Some strings. J’en ai lu tous les cartels et avis placardés dans votre cinéma
– et j’aimerais vous poser, si vous le voulez bien, quelques questions (je suis
journaliste, vous m’avez d’ailleurs gentiment donné un « Exo » pour
le Carax).
Cette phrase, par exemple, omniprésente au cinéma
Galeries, mériterait des explications de votre part : « Some
strings prend sa source dans ce qui fait tache sur les écrans de l’Histoire :
en Palestine, là où le poète et professeur Refaat Alareer, comme tant d’autres
êtres, a été ciblé par des frappes Israéliennes et tué avec sept autres membres
de sa famille ».
L’entrée que Wikipédia consacre à M. Refaat Alareer
ajoute les mots « et activiste palestinien » derrière les mots « poète
et professeur » : pourquoi avez-vous négligé ces trois mots-là ?
Quant à la mort de M. Alareer, la même entrée est plus
nuancée que votre texte. Elle ne dit pas, comme vous, que M. Alareer a été « ciblé ».
Le mot « ciblé » a pourtant un sens bien précis. Pourriez-vous me
donner des preuves que M. Alareer a été « ciblé » ? Des preuves
qui ne viendraient pas, de préférence, du site Euro Med Monitor, lequel semble être
juge et partie via le projet WANN (We Are Not Numbers) auquel participait
M. Alareer ?
Toujours dans la même phrase, je lis les mots
suivants : « Refaat Alareer, comme tant d’autres êtres, a été ciblé
par des frappes Israéliennes ». J’aimerais savoir qui sont les « autres
êtres » dont vous parlez : des combattants du Hamas ?
Et tant qu’à évoquer le Hamas, pourquoi ce mot est-il absent
de l’expo Some strings ? J’ai peut-être mal vu, et ne demande qu’à
être contredit, mais il me semble que pas un seul cartel, pas un seul avis, pas
un seul écran n’évoque le Hamas.
Et cela me renvoie au début de la phrase susmentionnée :
« Some strings prend sa source dans ce qui fait tache sur les
écrans de l’Histoire ». Quelle est donc cette « tache » ?
Est-ce l’attaque du 7 octobre qui fit 1189 morts du côté israélien ? Si
oui, pourquoi cette attaque n’est-elle mentionnée dans aucun cartel, aucun
texte affiché au cinéma Galeries, aucune avant-projection dans vos salles ?
Entendons-nous, je déplore la mort de M. Alareer et de ses proches, l’effroyable brutalité de la « réponse »
israélienne aux massacres du 7 octobre – et je regrette que M. Netanyahou ne
soit pas déjà en prison. Mais l’exposition Some strings ne fait rien
pour promouvoir la paix. Au contraire, elle tire sur cette corde incassable,
semble-t-il, qu’est la victimisation des Palestiniens. Vous ne rendez pas
service à ces derniers. Et la façon de présenter M. Alareer uniquement comme un professeur et
un poète est malhonnête. Son « poème/métaphore » que vous reproduisez
dans votre cinéma et qui sert de fil conducteur (oui…) à votre expo, est à base
d’enfants, de cerfs-volants et d’anges dans l’azur. Tout ceci est bien gentil
mais assez éloigné des propos qu’il a tenus il y a moins d’un an (repris et
traduits de l’entrée en langue anglaise que Wikipédia consacre à M. Alareer) :
« Immédiatement après l’attaque menée par le Hamas
contre Israël en octobre 2023, il [Refaat Alareer] la qualifie de "légitime
et morale" et déclare qu’elle était "exactement comme le
soulèvement du ghetto de Varsovie". Il a
également rejeté les allégations selon lesquelles le Hamas se livrerait à des
violences sexuelles après l’attaque du 7 octobre, les qualifiant de mensonges
utilisés pour "justifier le génocide de Gaza" ».
Pourquoi ces propos (affreux et à la limite du négationnisme)
de M. Alareer ne figurent-ils nulle part
dans vos cartels, avis ou écrans ?
Il me semble donc que le cinéma Galeries adopte avec l’exposition
Some strings un point de vue manichéen dangereux – celui de la
stigmatisation d’Israël, responsable de tous les malheurs présumés au
Moyen-Orient, et de la victimisation éternelle (comme expliqué ci-dessus) des
Palestiniens.
J’ai une suggestion : que cette exposition soit suivie en
vos murs d’une autre exposition, à laquelle je suis prêt à mettre gracieusement
toute mon énergie, toutes mes relations et quelques moyens financiers : l’histoire
de Viviane Silver, sa naissance en février 1949, sa vie exemplaire, son assassinat le
7 octobre 2023.
© Éric Angelini, journaliste indépendant, 19 juillet
2024.
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Le site du cinéma Galeries
Le projet Some strings au cinéma Galeries
L’entrée (en français) que Wikipédia consacre à M. Refaat Alareer
L’entrée (en anglais) que Wikipédia consacre à M. Refaat Alareer
Le texte original (anglais) du poème de M. Refaat Alareer (sur YouTube)
L’entrée (en anglais) que Wikipédia consacre à Euro-Med Monitor
L’entrée que Wikipédia consacre (en français) à Viviane Silver
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