Sainte Face, Blade Rutger, Buren
Cette magnifique Sainte Face, peinte par Philippe de Champaigne vers 1658, se trouve à Brighton (UK)
Elle nous intéresse en ce qu'elle parle peut-être plus de peinture et de représentation que de religion. Cette tête en 3D semble en effet flotter entre deux tissus : le rideau vert et le linge blanc de Véronique (par ailleurs absente, aucune main ne serrant le nœud en haut à droite). Le troisième tissu est la toile elle-même, support de cette image à l'huile. Nous ne reviendrons pas sur les gouttes (de sang), ni sur les larmes et les coulures, métaphore bien connue de la peinture dans ce qu'elle a de plus terre à terre. La véronique et le rideau, qui voilent et dévoilent, sont un champ bien labouré, comme le rappelle Denys Riout dans son récent « Portes closes et œuvres invisibles » (couverture de l'opus visible ici tout en bas de page). La citation en retrait est de Jacques Lacan :
Pour faire la photo de la page 100 de l'essai de Riout, j'ai dû me rendre dans la chambre du fils, puis faire coulisser un autre rideau, fermé en raison des abominables températures qui crament le pays) :
Ce que dit Sothebys d'une autre Sainte Face de Philippe de Champaigne est intéressant. On notera dans le texte l'éternel « emprunt » mis pour « empreint », et les récurrents « XIVème » mis pour « XIVe » (lesquels « e » doivent être placés en « supérieures » quand on aime la typographie soutenue, œuf corse, ce que Blogger, notre hôte, ne permet pas)...
> Le tableau que nous présentons est une redécouverte. Jusqu'à présent, seulement deux versions de La Sainte Face peintes par Philippe de Champaigne nous étaient parvenues : un panneau datable de 1630 conservé dans une collection particulière (36 x 28 cm) et un autre, aujourd'hui au musée de Brighton, de 1658 (toile, 65 x 49 cm). La Sainte Face y apparaît sur le voile de Véronique au-dessous duquel est posée la couronne d'épines. Seules des gravures attestaient de l'existence de cette version quelque peu différente des deux autres compositions connues de l'artiste.
Sur notre tableau, La Sainte Face apparaît avec un réalisme caractéristique de la pure tradition flamande. La prescience de la mort du Christ y est annoncée par la transparence des carnations et le ton bleuté des lèvres. Son visage paraît pourtant emprunt d'une grande sérénité, malgré un regard fixe exprimant l'intériorisation de la douleur. On reconnaît la manière de Philippe de Champaigne dans le rendu minutieux des détails mais aussi dans le traitement de la chevelure qui n'est pas sans rappeler la version de 1630.
Sur le rebord de pierre figure l'inscription suivante: "DEDI GENAS MEAS VELLENTIBUS FACIEM MEAM CONSPUENTIBUS". L'artiste semble s'être inspiré d'un passage de l'Ancien Testament (Livre d'Esaïe, 50: 6) [Note du Taulier : « Corpus meum dedi percutientibus et genas meas vellentibus faciem meam non averti ab increpantibus et conspuentibus » soit : « J'ai livré mon dos à ceux qui me frappaient / Et mes joues à ceux qui m'arrachaient la barbe / Je n'ai pas dérobé mon visage / Aux ignominies et aux crachats »]. Au-dessous de cette inscription, Philippe de Champaigne, dont on sait qu'il affectionnait particulièrement les symboles et leurs significations, présente la couronne d'épines, attribut de la passion qu'il dispose de manière identique dans une autre de ses œuvres, l'Ecce Homo du musée du Louvre, gravée en 1654.
C'est aussi en 1654 que Barthélemy Kilian exécuta une gravure au burin de notre tableau, nous permettant d'en préciser la datation. Une Sainte Face sur le voile de Véronique au-dessous duquel est posée la couronne a également été gravée par Nicolas de Plattemontagne, élève de Philippe de Champaigne, à une date restée inconnue. Il est à noter que Mariette mentionne une autre gravure de ce sujet, réalisée par Morin mais dont il ne subsiste actuellement aucune représentation (Mariette, Manuscrit, TII). Si ces gravures ont contribué à l'authentification de notre tableau, elles apportent également de précieux renseignements sur la dévotion populaire et la ferveur face à de telles icônes. Elles seules peuvent expliquer la multiplicité des représentations et surtout des reproductions par la gravure de notre sujet.
Selon la tradition, il existerait deux transpositions spontanées de la Face du Christ. Une première image acheiropoiète, c'est-à-dire sans intervention humaine, provient de l'histoire du roi Abgar d'Osroène. Celui-ci, atteint de la lèpre, avait envoyé son archiviste, Hannan afin qu'il ramène auprès de lui le Christ. Hannan décida d'exécuter son portrait après que ce dernier ait refusé la proposition. Néanmoins la tâche s'avéra ardue et il fut impossible à l'émissaire du roi d'Osroène de représenter le Christ tant la lumière auréolait son visage. Jésus prit alors le linge sur lequel se transposa sa face et le remis à l'archiviste. Cette Sainte Face, émanation de la divinité de Jésus, permit au roi d'Osroène de parvenir à la guérison.
Le voile de sainte Véronique procure la seconde image acheiropoïète du Christ. Sur le chemin menant au Calvaire, la sainte femme essuya le visage de Jésus qui se trouva transposé sur le voile. Ce linge, devenu l'une des plus importantes reliques de la chrétienté, inspira nombre d'artistes. La couronne d'épines sur notre tableau évoque clairement l'épisode du Calvaire auquel Philippe de Champaigne a choisi de se référer.
La figure du Christ avec la couronne d'épines, issue de l’Évangile de Nicodème, est l'iconographie la plus répandue dans la peinture flamande à partir des XIVème et XVème siècles. Philippe de Champaigne s'en inspira directement. Il fut l'un des premiers artistes à l'introduire en France alors que les prescriptions du Concile de Trente requéraient la création d'une iconographie nouvelle. Notre œuvre reflète ici l'idéologie janséniste du peintre qui retranscrit l'image acheiropoïète du Christ.
Rutger Hauer, 1944-2019
Mort de Rutger Hauer, le « réplicant » le plus célèbre du cinéma
Dans « Blade Runner », il donnait brillamment la réplique à Harrison Ford, sous les traits d’un androïde terrifiant. L’acteur néerlandais a aussi reçu un Golden Globe pour « Les Rescapés de Sobibor » et jouera dans le film « Buffy contre les vampires », qui inspira la série. (Le Monde)
Son regard bleu perçant, électrisé par une balafre sanguinolente, apparaissait au milieu de la nuit, sous une pluie dense. « C’est une sacrée expérience de vivre dans la peur, pas vrai ? C’est ce que ça fait d’être un esclave », lançait-il à un Harrison Ford en souffrance, suspendu au-dessus du vide. L’acteur néerlandais Rutger Hauer, révélé en 1982 pour son rôle de « réplicant » dans le film de science-fiction Blade Runner, est mort à l’âge de 75 ans, ont annoncé, mercredi 24 juillet, les médias néerlandais. Il a succombé à « une courte maladie ».
C’est en 1969 que Rutger Hauer avait commencé sa carrière d’acteur, dans le téléfim Floris, signé d’un certain Paul Verhoeven. C’est le même réalisateur qui lui offrit son premier grand rôle dans Turkish Delight en 1973, qui sera nommé à l’Oscar du meilleur film étranger.
Golden Globe en 1987
Il lui faudra attendre ensuite huit années de plus pour attirer l’attention du monde du cinéma aux Etats-Unis, en jouant aux côtés de la star américaine Sylvester Stallone dans le thriller Nighthawks. L’année suivante sort Blade Runner, de Ridley Scott, qui le consacre comme l’une des stars d’Hollywood à l’époque. Son fameux monologue des « larmes sous la pluie », qui opposait le policier à l’androïde, avait d’ailleurs été réécrit par ses soins.
Rutger Hauer tourne ensuite avec Sam Peckinpah dans Osterman week-end, en 1983, puis joue dans Ladyhawk, en 1985. Deux ans plus tard, il reçoit un Golden Globe pour Les Rescapés de Sobibor et se fera connaître comme le grand méchant de Buffy contre les vampires, film qui inspira la série.
Plus récemment, on l’avait vu dans Sin City, Batman Begins ou encore Valérian et la Cité des Mille Planètes de Luc Besson. Son dernière rôle au cinéma lui avait été donné par Jacques Audiard, dans Les Frères Sister.
Commentant la mort de celui qu’il avait révélé, Paul Verhoeven a déclaré à l’agence de presse néerlandaise ANP avoir perdu son « alter ego ». « Je suis extrêmement triste qu’il ne soit plus parmi nous, il va terriblement me manquer. »
J'avais 20 ans quand j'ai vu Blade Runner — et le « Tears in Rain Monologue fut un choc :
I've seen things you people wouldn't believe.
Attack ships on fire
off the shoulder of Orion.
I watched C-beams
glitter in the dark near the Tannhäuser Gate.
All those moments
will be lost in time,
like tears
in rain.
Time to die.
On peut revoir ce passage ici, il donne toujours la chair de poule (monologue en français là).
Et un bon petit « Tribute » au film, sur Sigur Rós au lieu de Vangelis.
Et un bon petit « Tribute » au film, sur Sigur Rós au lieu de Vangelis.
Retour sur l'essai de Riout et ce formidable travail « invisible » de Daniel Buren
Merci encore à Riout, Rutger Hauer, Philip K. Dick et tous les conceptuels, sans qui le monde, en effet, serait bien moins aimable !
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