Culturisme, Lazzaro, tilde et poésie


Juliette Bergmann, couleur et N/B

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20 novembre 2018, 15:50

Juliette Bergmann, sur la fascinante photo N/B, renvoie à Valérie Belin, bien sûr (cette dernière est présente à Bruxelles chez Nathalie Obadia – nous chroniquerons son expo ce w.-e.) Juliette Bergmann est entrée dans notre vie par cet article de Clémentine Mercier sur Thomas Mailaender dans Libé le 19/11 :


THOMAS MAILAENDER, LE FUN ET LA FORME

Royaume du mauvais goût, une exposition à la galerie la Cité sublime des objets absurdes, rejetés par une société moderne trop formatée.

Le goût de l’artiste Thomas Mailaender pour les objets hors du commun pourrait se résumer à cette trouvaille : une chips dans une boule de sulfure. La curiosité existe bel et bien : inséré dans un presse-papiers, un éclat de pomme de terre cuit et gras trouve son écrin dans le poids de la sphère en verre. On trouve ce ravissant objet derrière une vitrine dans l’exposition «The Fun Archaeology» à la galerie la Cité, encore ouverte jusqu’à samedi. C’est avec cette expo croustillante que le directeur du lieu, Thomas Lélu, par ailleurs directeur artistique, romancier, réalisateur de clips et auteur du Manuel de la photo raté, a choisi de lancer ce nouvel espace, en plein cœur de Paris.

Les objets - photos, bibelots, classeurs, costume… - mis en valeur font partie de la collection de Thomas Mailaender, artiste né à Marseille en 1979. Triés sur le volet, il y en a un paquet, aux murs et sous vitrine, qu’il faut regarder attentivement. Tous différents, ils n’ont a priori rien en commun à part le fait d’avoir été choisi par Mailaender, qui porte sur leur existence saugrenue un regard amusé (un site les regroupe : www.thefunarchaeology.com). 




Il y a par exemple cet absurde sabot-violon, un joli appareil photo en perles ou le moulage d’un pied immense. Sensible à l’image, photographe à ses heures, le compulsif collectionneur a accumulé des visuels cocasses : comme l’album photo de Miss Olympia, championne néerlandaise du bodybuilding, disqualifiée pour drogues au championnat du monde de football [sic] et attaquée par un doberman, les clichés en noir et blanc des costauds de Montrouge - un club d’haltérophiles - ou un album avec Britney Spears qui se rend dans une animalerie. On découvre même des dessins représentant Hitler en grenouille, des femmes avec trois seins, ou un adorable album photo riquiqui qui pourrait être le plus petit du monde. Sous l’égide du «fun», choisie par un esprit antisérieux, par l’amour de la farce qui met le bas en haut et le haut en bas, l’absurde et délicieuse collection fait figure d’un salon des refusés bad taste. Tout ce qu’une société bien huilée, compétitive et sans pitié laisse de côté. Avec une forme de tendresse, Maileander les extirpe d’une mort certaine pour les mettre en boîte dans une valise prévue à cet effet. Visez ces photos de corbillards à cheval, ils seraient à pleurer s’ils n’étaient pas ainsi sauvés.
Clémentine Mercier 
Thomas Mailaender, The Fun Archaeology 
La Cité, 14 cité Bergère, 75 009. Jusqu’au 24 novembre.
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Clémentin Mercier s'est probablement inspirée du texte anglais ci-dessous, venant du site Fun Archaeology :

Miss Olympia Photo Album

Personal photo album of the Dutch female bodybuilding champion and former Ms. Olympia, Juliette Bergmann. The album measures 20,8 x 19,4 cm and includes 146 vintage color prints measuring 12,5 x 9 cm.

Born Nov. 30, 1958, Bergmann first won the Dutch National Championship in 1984. She was named champion again in 1985 and, later that year, qualified for the World Amateur Championship, where she achieved first place. At the end of 1985, she competed in her first Ms. Olympia, but did poorly, placing 14th. However, in 1986 she returned to form, winning the World Pro Bodybuilding Championship, placing second (by one point) in Ms. International, and sixth in Ms. Olympia. At the 1988 World Pro Championships, just an hour before the show, she was told she tested positive for drugs and was disqualified. After 1989, she decided to take a year off from competing and start again in 1991, but her plans changed when she suffered a badly broken ankle after an attack by a Doberman. She was not able to train seriously again for a couple of years. Since 1991, she has been a judge and secretary-treasurer for the N.B.B.F. (Dutch Bodybuilding and Fitness federation). In 2001, Bergmann returned to competition, after a 12-year absence. She entered the Ms. Olympia contest, took first place in the lightweight class, and then went on to defeat the heavyweight class winner, Iris Kyle, to win the overall title: the only time in history that a Ms. Olympia lightweight class winner has won the overall title. She went on to win the Ms. Olympia lightweight championships in 2002 and 2003, but lost the overall title to Lenda Murray both years.

Currently, Bergmann is the most successful Dutch bodybuilder in the world and the only Dutch bodybuilder to have won Ms. Olympia. From Oct. 26, 2001, to Feb. 28, 2003, she ranked first on the International Federation of Bodybuilding’s Women’s Professional Ranking. Bergmann has been cited as the “Grecian Ideal,” with biceps, calf and neck measurements that are similar to her waist and thigh measurements. In January 2009, she was inducted into the I.F.B.B. Hall of Fame. Since 2009, she has worked as I.F.B.B. president in the Netherlands, the director of I.F.B.B. Thailand, a member of the I.F.B.B. executive council, and chair of the European Bodybuilding and Fitness Federation.


Quelques photos tirées de l'album évoqué ci-dessus :


En cherchant des documents sur Juliette Bergmann je suis tombé sur son site perso, et, de là, sur les règles de l'IFBB (Fédération internationale de body-building et fitness) , notamment l'article 6 qui concerne les bikinis – mais aussi les coiffures, les implants, les huiles, les bijoux, etc. Fascinant :


Article 6 – Prejudging and Finals: Attire for All Rounds

6.1 The attire for the Elimination Round and other Rounds (Two-Piece Bikini) will
conform to the following criteria:
   1. The two-piece bikini must be in good taste and styled in a way, as to have a
proper and decent fit.
   2. The bikini bottom must cover a minimum of ½ gluteus maximus and all of the
frontal area. Strings are strictly forbidden.
   3. The colour, fabric, texture and ornamentation of the bikini will be left to the
athlete’s discretion.
   4. No footwear
   5. The attire will be inspected during the official athletes registration.
6.2 The hair may be styled.
6.3 Except for a wedding ring, bracelets and earrings, jewellery will not be worn.
Competitors will not wear glasses, watches, wigs or artificial aids to the figure,
except breast implants. Implants or fluid injections causing the change of the
natural shape of any other parts or muscles of the body are strictly prohibited and
may result in disqualification of the competitor.
6.4 The use of tans and bronzers that can be wiped off is not allowed. If the tan
comes off by simply wiping, the athlete will not be allowed to enter the stage.
Artificial body colouring and self-tanning products may be used provided that it is
applied at least twenty-four hours prior to the Prejudging. Professional competition
tanning methods (airbrush tanning, cabin spray tanning) may be used if applied by
the professional companies and qualified personnel. Sparkles, glitter, shiny metallic
pearls or gold coloring are prohibited whether applied as part of a tanning lotion
and/or cream or applied separately, regardless of who applied them on the competitor’s body.
6.5 The excessive application of oil on the body is strictly prohibited; however,
body oils and moisturizers may be used in moderation.
6.6 The IFBB Chief Judge, or a delegated by him official, will have the right to make
decision if a competitor’s attire meets the criteria established in the Rules and an
acceptable standards of aesthetics. The athlete may be disqualified if the attire
doesn’t meet them.




Bon, tout ça sent le fétichisme larvé – j'aurai au moins appris où se trouve le gluteus maximus :
Il est temps de passer à autre chose...


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20 novembre 2018, 17:00



Adriano Tardiolo et Luca Chikovani dans « Heureux comme Lazzaro », d’Alice Rohrwacher (au milieu).

« Heureux comme Lazzaro » : un idiot sur la voie de la sainteté

Le troisième long-métrage d’Alice Rohrwacher est un conte mystique empreint de réalisme.

Par Mathieu Macheret
Publié le 7 novembre 2018 dans le Monde

Sous ses airs quelque peu désuets de pastorale chrétienne, le troisième long-métrage de la Toscane Alice Rohrwacher (Corpo celeste en 2011, Les Merveilles en 2014), récompensé au Festival de Cannes par un Prix du scénario, surprend par les détours et rebonds de son récit, sa capacité à se renouveler, mais surtout par l’ambivalence de son écriture, à la fois terre à terre et en quête d’élévation.

Dans la lignée des films d’Ermanno Olmi (L’Arbre aux sabots, 1978), disparu en mai 2018, Heureux comme Lazzaro peut se voir comme un conte mystique, entretenant un commerce habile et ensorcelant entre deux aspirations d’apparence contraire : d’une part son réalisme à vocation documentaire, proche de la nature et de ses cycles, de l’autre sa fiction libre et parfois irrationnelle, capable de décoller du monde tangible, de déroger à ses lois. A tel point que matière et miracle en viennent à dialoguer secrètement, dans une mise en scène évitant les pièges d’un spiritualisme en toc ou d’une piété béate.

Dans une ferme à tabac qu’un vieux pont écroulé isole du reste du monde, Lazzaro (Adriano Tardiolo), adolescent simplet à la parenté incertaine, exécute les tâches les plus viles sans jamais s’en plaindre. Les paysans, une trentaine d’âmes craintives et superstitieuses, vivent là comme en des temps féodaux, persuadés d’appartenir corps et biens à la propriétaire des lieux, la marquise de Luna. Lazzaro se lie d’amitié avec Tancredi, le fils indiscipliné de cette dernière, qui fugue et se réfugie sur les collines environnantes. Mais les autorités ne tardent pas à débusquer ce hameau hors du temps et à mettre fin à ce servage éhonté. Dans la débâcle, Lazzaro chute du haut d’une falaise et ne se réveille que bien des années plus tard, quand le domaine n’est plus qu’une ruine ouverte au pillage.



Il prend alors la route pour les faubourgs industrieux de la grande ville voisine, où il retrouve certains de ses anciens compagnons (dont l’une est jouée par Alba Rohrwacher, sœur de la réalisatrice), tous vieillis, usés par le vagabondage et la mendicité, alors que lui est resté inchangé, tel qu’en sa prime jeunesse.

 Heureux comme Lazzaro frappe d’abord par sa datation indécidable, flottant entre deux époques qui s’avèrent peu à peu contemporaines, mais renvoyant sans cesse à d’autres empreintes historiques : celles du Moyen-Age, de la paysannerie séculaire, du début des années 2000… Cette indécision est la première force du film, qui adopte vis-à-vis de l’histoire moderne une drôle de position, moins extérieure que tangentielle, peu référencée.

Un pur regard
Il fallait bien cette temporalité incertaine pour renouer ainsi avec un personnage de « saint », Lazzaro, dont le prénom fait évidemment référence au mythe de Lazare, revenu d’entre les morts. Lazzaro, par sa simplicité, son innocence et sa bonté, chemine en effet sur la voie d’une sainteté qui finira par éclairer ses compagnons.

L’hagiographie est toujours problématique en ce qu’elle postule un protagoniste irréprochable. Néanmoins, elle gagne ici en équivoque par le fait que la bonté de Lazzaro peut aussi se comprendre comme une forme d’idiotie. Bien que thaumaturge, le bienheureux se montre incapable de reconnaître l’exploitation qu’il subit ni de rien changer à la condition de ses semblables, qu’ils soient serfs ou mendiants. Avec ses cheveux bouclés, son visage naïf et ses grands yeux écarquillés, Lazzaro n’est peut-être pas autre chose qu’un pur regard, transcendant et sans âge, posé sur la condition même des sous-prolétaires.

Ceux-ci ont beau passer de la campagne au bidonville, de la ­culture agricole aux dernières loges de la société de consommation, leur exploitation et leur misère restent toujours les mêmes. Avec sa jeunesse inchangée et sa constance apathique, Lazzaro ressemble à cet « Ange de l’histoire » que Walter Benjamin reconnaissait dans le tableau Angelus novus, de Paul Klee : il veille, insondable, sur les vaincus et les damnés de la terre sans pouvoir soulager un tant soit peu leur fardeau.



Film italien d’Alice Rohrwacher. Avec Adriano Tardiolo, Tommaso Ragno, Agnese Graziani (2 h 06). Sur le Web : www.advitamdistribution.com/films/heureux-comme-lazzaro
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Cannes 2018 : « Heureux comme Lazzaro », le conte merveilleux d’Alice Rohrwacher
En compétition, la réalisatrice italienne signe une fable empreinte de piété sur les inégalités sociales.

Par Thomas Sotinel
Publié le 14 mai 2018 dans le Monde

Dès les premières séquences, on sent bien qu’il y a quelque chose de très catholique dans cette histoire. Dans un corps de ferme délabré, où l’on compte moins d’ampoules électriques que de pièces, un jeune homme nommé Joseph, enfin, Giuseppe, vient demander la main de Mariagrazia. Autour du sou­pirant, une bande de mu­siciens prend des poses de santons. Le plus joli joue de la cornemuse, il s’appelle Lazzaro.



A moins de s’appeler Walt Disney, le conte est rarement rentable au cinéma. Encore moins s’il est empreint de piété. C’est tellement facile de se moquer de la simplicité du récit, des personnages, des images. A Cannes, où la coalition des sceptiques et des cyniques l’emporte en nombre et en pouvoir sur les simples de cœur, Alice Rohrwacher a pourtant fait de Lazzaro le héros de la journée. La légende dorée de ce saint adolescent a converti les cœurs les plus endurcis au cinéma léger, presque enfantin (le presque dissimulant à peine l’acuité du regard et la colère de la réalisatrice) d’Heureux comme Lazzaro.

Divisé en deux parties qui se ­répondent comme le font l’Ancien et le Nouveau Testament, le troi­sième long-métrage d’Alice Rohr­wacher embrasse les décennies et les paysages, menant un pauvre peuple d’un éden rural nommé l’Inviolata, perverti par l’exploitation, à la géhenne urbaine. Ces pauvres gens n’ont ni prophète ni messie. Ils n’ont que Lazzaro (Adriano Tardiolo), un garçon ­simple, qui se laisse moquer, bousculer et exploiter, sans colère ni ressentiment. Ce n’est pas tout à fait l’idiot du hameau, mais presque. Son clan est fait de très pauvres gens qui cultivent le tabac pour le compte de la marquise de la Luna (Nicoletta Braschi).

Par la grâce des dialogues
Cette campagne reculée et verdoyante a beau voir passer quelques véhicules à moteur, on pourrait être au Moyen Age. Alice Rohr­wacher traite cette parfaite invraisemblance avec le sérieux d’un enfant qui joue.

Il faudrait revoir le film pour comprendre les rouages de ce drôle de mécanisme qui fait que la réalisatrice entraîne tout le monde dans son jeu. Son efficacité tient sûrement à la texture presque palpable de l’image (le film a été tourné sur pellicule super-16), à l’harmonie modeste des cadres. Les personnages qui habitent ce monde ancien se font proches par la grâce de dialogues qui jonglent entre la naïveté et la précision.



De dialogues, Lazzaro n’en a pas beaucoup, mais sa bonté finit par faire de lui, à son corps défendant, le passeur entre les serfs et les seigneurs de l’Inviolata. Son amitié avec Tancredi, l’héritier dévoyé des seigneurs du tabac, menace l’ordre. Celui-ci finit par se désagréger, forçant les paysans à quitter cette terre qui n’a jamais été la leur. Mais Lazzaro est absent lors de cet exode. C’est sur le mode du miracle qu’il réapparaît sur le second volet du diptyque, inchangé dans sa sainte jeunesse, alors que les autres personnages ont vieilli d’au moins vingt ans. Si l’affrontement entre la droiture du jeune homme et l’ordre féodal prenait le tour d’un conte d’une nuit d’été, son séjour à la ville, en hiver, ressemble plus à certains cauchemars d’Andersen.

Alice Rohrwacher a la métaphore facile. Lazzaro fait remarquer aux exilés qui se gavent de patatine que sur leur terrain vague poussent toutes les herbes qui leur servaient à faire la soupe à l’Inviolata, et la question de la gestion des ressources est emballée. Comme le seront l’iniquité qui régit le marché du travail ou le peu de foi dont font preuve ceux qui font profession d’en avoir (des nonnes, en l’occurrence).


Ce n’est pas plus difficile à déchiffrer qu’un abécédaire, et pourtant à la ville comme à la campagne, Heureux comme Lazzaro est enveloppé d’une grâce qui ne tient pas tant aux convictions de son auteur qu’à sa maîtrise discrète et impressionnante de l’art de la mise en scène.
[bien d'accord, Note du Taulier]
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20 novembre 2018, 17:30

Pendant ce temps, Giri, Svidler et Grischuk analysent la 9e partie en direct : somptueux !


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20 novembre 2018, 17:40

Un peu de poésie italienne avec le Vénitien Alessandro Burbank (merci à C.) – où le café à toute sa place – comme dans Lazzaro Felice :

“le donne che mi piacciono alla fine 
vanno altrove è come se fuggissero
se ne vanno a parigi a berlino a londra 
a bruxelles a pekino a manhattan o 
sotto casa al bar da gino. Le donne 
che mi piacciono fanno questa cosa 
di viaggiare, sono cervelli in fuga 
tette al vento piedi che vogliono 
percorrere altre strade occhi e 
orecchie, nasi per sentire tutto 
quanto sia lontano e irraggiungibile,
le donne che mi piacciono raggiungono 
l'irraggiungibile lo fanno e stanno via 
per giorni settimane mesi, interi anni 
e parlano le lingue straniere vanno a parigi 
e mi lasciano qui vanno a londra e io
ad aspettarle se ne vanno a pekino e io 
che le attendo è come se fuggissero 
a berlino e io a starmene qui a fare 
le solite cose al bar da gino. Le donne 
che mi piacciono poi fuggono via 
e anche se un poco gli dispiace loro 
vanno altrove, tornano solo a natale. 
Ma sono io che forse devo smettere 
di pensarmi al centro del mondo devo 
essere colui che incontreranno mentre 
vanno a ballare a londra a tokio a lima
e infatti adesso sto ballando a londra a
pekino a bruxelles a parigi a manhattan 
a belgrado a varsavia a disneyland 
mentre gino mi prepara un buon caffè.” 
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20 novembre 2018, 17:50

... et la réponse d'Alain H. à qui j'ai envoyé cette photo ce midi :

J'avais vu cette histoire de tilde bretonnant et filial, mais « la victoire du tilde contre Paris » m'avait échappé. 
Prochain épisode : le combat du circonflexe contre Marseille (les pôvres), Strasbourg écrasé par la cédille (ah les çons !), « grave et aigu se mobilisent contre Quimperlé, heu plutôt Quimperlè, non c'est Quimperlé, ah bon, mais on n'a qu'à écrire Quimperlet et tout ira bien »
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20 novembre 2018, 18:00

Joffrin impeccable, comme souvent :


Laurent Joffrin/ La lettre politique / Féminisme et intégrisme musulman

Neuf militantes féministes saoudiennes, si l’on en croit Amnesty International et le Monde, emprisonnées depuis plusieurs mois, ont été torturées à l’électricité et battues à coups de fouet, au point que plusieurs d’entre elles en gardent de graves stigmates physiques. Voilà qui en dit long sur la réalité de la libéralisation décrétée dans le royaume par le prince Mohammed Ben Salmane, dit «MBS», qui avait suscité l’enthousiasme de nombre de commentateurs en autorisant – audace folle – les femmes saoudiennes à conduire leur voiture. Il semble que ces féministes avaient eu le front de prendre au mot le cours nouveau de la politique du royaume, de conduire effectivement une voiture, et de réclamer d’autres mesures d’adoucissement du sort des femmes dans cette monarchie du Golfe.

Comment mieux dire que cette libéralisation avait surtout une visée extérieure – améliorer quelque peu l’image de l’Arabie Saoudite auprès de ses alliés occidentaux - et était subordonnée à une condition stricte : qu’aucune militante ne vienne, au sein du royaume, s’appuyer sur elles pour promouvoir leurs revendications ? Autant que l’affaire Khashoggi, ce journaliste assassiné à Istanbul dans les locaux de l’ambassade saoudienne, cette information vient relativiser le modernisme soi-disant débridé dudit MBS.

Au Pakistan, Asia Bibi, la paysanne chrétienne condamnée à mort pour blasphème, puis innocentée par la Cour suprême, doit toujours se terrer pour échapper aux menaces d’assassinat proférées par un puissant groupe intégriste. Les autorités la protègent (après l’avoir enfermée à tort pendant huit ans), mais le risque d’assassinat demeure. Asia Bibi a demandé par l’intermédiaire de sa famille à être recueillie en Grande-Bretagne ou au Canada. Le Premier ministre canadien a répondu par l’affirmative (encore faut-il qu’elle puisse sortir de son pays), mais le gouvernement britannique est resté sourd à cette supplique. Il semble que Theresa May et ses ministres ne soient guère pressés d’accueillir la jeune femme, en raison des risques d’attentat qui pourraient survenir en Grande-Bretagne à l’instigation de ce groupe extrémiste. Ainsi les fanatiques pakistanais réussissent à intimider un grand pays occidental par ailleurs très soucieux de sa souveraineté.


Deux informations parmi beaucoup d’autres qui traduisent la condition subie par les femmes, à des degrés divers, dans de nombreux pays musulmans (pas tous, fort heureusement). Curieusement, les organisations féministes musulmanes en France et les intellectuels qui les soutiennent au nom de «l’intersectionnalité des luttes», sont à notre connaissance étrangement muets sur ces pratiques moyenâgeuses. Seules les organisations de défense des droits humains, comme Amnesty, ont pris fait et cause pour ces victimes de l’intégrisme. «L’intersectionnalité», mot compliqué, veut dire qu’il faut défendre en priorité les femmes «racisées», c’est-à-dire membres de telle ou telle minorité visible, en butte à une double discrimination, comme femme et comme membre d’une minorité culturelle ou ethnique. Manifestement, les femmes opprimées en pays musulman par l’obscurantisme intégriste intéressent moins. Il ne reste pour s’en occuper que les ONG platement universalistes, qui pensent, avec un affligeant conformisme, que les droits des individus doivent être les mêmes partout. 
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Départ pour le Brussels – je suivrai les échecs de là-bas – il n'y a pas que le culturisme dans la vie.

















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