Premiers pas


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15 octobre 2018

Premiers pas sur Blogger -- on peut toujours aller voir les débuts (virtuels) de l'auteur ici.

(il y a un petit moteur de recherche interne assez pratique).

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15 octobre 2018 -- midi 30

Deuxièmes pas.

(note : peut-on mettre « deuxièmes pas » au pluriel ? C'est bizarre...)

Insertion d'une photo (pour voir)





Copier/coller d'un message retrouvé dans mes archives (maths) -- si qq'un pouvait répondre à la question, ce serait bien :



> Take an integer and keep only its distinct digits in their apparition order. Example: 

1231 becomes 23
1123 becomes 23
11231 becomes 23
and
11023 becomes 23 too (as we don't accept leading zeroes).
Note that 112323 disappears.

Now chose a function F, a starting term a(1) and iterate.

Say, for instance, that the function F is "double" and a(1) is 19:

19,38,76,152,304,608,(1216),26,52,104,208,416,832,(1664),14,28,56,(112),2,4,8,16,32,64,128,256,512,1024,2048,4096,8192,16384,32768,(65536),3,6,12,24,48,96,192,384,768,1536,3072,(6144),61,(122),1,2,... (loop).

The "triple" function F starting with a(1) = 37 stops immediately, of course (as 37 x 3 --> 111).

The "square" function is interesting as some huge integers appear – that sometimes collapse into a 2- or 3-digit integer. I didn't explore thoroughly this domain (fixed points, loops, flights, altitudes, etc.) -- only played a bit with the idea.

A sequence I would like to see is the one dealing with the function F = (n+1)*a(n) that generates, for the smallest a(1), more than 100 terms...

For a(1) = 1, we have the sequence:

2 x 1    = 2
3 x 2    = 6
4 x 6    = 24
5 x 24   = 120
6 x 120  = 720
7 x 720  = (5040) = 54
8 x 54   = 432
9 x 432  = (3888) = 3
10 x 3   = 30
11 x 30  = 330
End. Only 11 terms.

If I'm not wrong, the start a(1) = 2 generates 23 terms [last one being  23 x 198 = (4554) End] and the start a(1) = 3 produces only 12 terms [last one 12 x 407 = (4884) End].
What would be the smallest a(1) generating 100 terms or more?

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15 octobre 2018 -- midi 45


Pause café avec Thierry Ehrmann (dans le Monde du 14 -- hier)




Thierry Ehrmann : « L’information est pour moi comme un suppositoire cocaïné »

Chaque semaine, « L’Epoque » paie son coup. À Lyon, le fondateur d’Artprice et de la Demeure du chaos livre ses réflexions sur l’époque autour d’un café noir.

Par JÉRÔME PORIER

Thierry Ehrmann n’est pas à une contradiction près. C’est à l’étage d’une brasserie chic de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, banlieue verdoyante sur les hauteurs de Lyon, que le PDG d’Artprice, leader mondial des bases de données sur le marché de l’art, ­reçoit son visiteur à peine descendu du TGV. Un lieu à la tranquillité bourgeoise, en décalage avec l’image du plus punk des patrons français, pionnier d’Internet, sculpteur au format XXL, adepte des scarifications, aviateur chevronné, passionné de sciences occultes, éleveur de chevaux de trait, polygame et organisateur de soirées décadentes. Un goût de la liberté qui lui vaut une réputation sulfureuse dans la bonne société lyonnaise, qu’il exècre, ce qui ne l’empêche pas d’appartenir depuis plus de trente ans à la Grande Loge nationale française.

Vautré sur une banquette, vêtu de son éternel tee-shirt noir, l’oiseau de nuit pose pour le photographe devant un double expresso. « J’en bois 16 à 18 tasses par jour, c’est excellent pour la santé. Quarante ans de chimiothérapie, ça use ! », sourit-il. Son débit mitraillette le rend parfois difficile à suivre, mais l’homme sait écouter. La méditation, qu’il pratique quotidiennement, est l’une des clés de son équilibre. ­Atteint d’une maladie orpheline neurodégénérative, Thierry Ehrmann, 56 ans, se « shoote » en permanence pour surmonter la douleur, mais cet hyperactif insomniaque ne perd pas le nord. « Je viens ici pour la vue, qui domine tout Lyon. Comme je vis la plupart du temps retiré dans mon antre de la Demeure du chaos, mon huis-clos onirique, c’est ma respiration », dit-il.

Une vision glaçante d’un futur apocalyptique

A deux pas de L’Auberge du Pont de Collonges, le restaurant triplement étoilé de Paul Bocuse, qui fut un ami proche, Thierry Ehrmann a créé il y a bientôt vingt ans un musée d’art contemporain à ciel ouvert, entièrement gratuit. Exposant une vision glaçante d’un futur apocalyptique, il rassemble 7 500 œuvres, dont 3 600 sculptures en acier. Pourquoi l’apocalypse ? « La Demeure du chaos est une œuvre d’anticipation, une vision cinématographique de ce qui nous attend. Le monde a basculé dans une nouvelle ère avec les attentats du 11 septembre 2001. Un changement de paradigme comme celui-là arrive tous les 400 ou 500 ans », explique ce passionné de science-fiction.
Sur les 9 000 mètres carrés du site cohabitent pêle-mêle un bunker, une météorite (et son cratère), la carcasse d’un avion de 21 tonnes, un hélicoptère écrasé, des voitures calcinées, neuf crânes monumentaux, le tout agrémenté de centaines de portraits de ­« célébrités » comme Oussama Ben Laden ou Gandhi, assortis de citations au scalpel. Comme celle du philosophe marxiste Antonio Gramsci, qui résume le mieux l’esprit du lieu : « Ce putain de bâtard d’enculé de vieux monde ne veut pas crever malgré qu’on lui tape sur la gueule et le nouveau monde pisse le sang, tarde à accoucher, et dans le clair-obscur surgissent les monstres. »

Boulimique de presse

Pour faire disparaître ce qu’ils ­considèrent comme une verrue, les notables du village ont tout tenté, en vain. La Demeure du chaos attire 180 000 curieux par an. C’est aussi le siège du Groupe ­Serveur, maison mère d’Artprice, qui ­emploie une cinquantaine de personnes en France, une centaine dans le monde. A l’occasion de la FIAC, dont l’édition 2018 se tiendra du 18 au 21 octobre, Artprice ­publie un bilan du marché de l’art ­contemporain, référence mondiale dans ce domaine. Pour la première fois cette ­année, ce rapport a été réalisé avec Artron, une émanation de l’Etat chinois.

Le New York Times lui a consacré en 2017 un article élogieux, un motif de fierté pour ce boulimique de presse, qui descend chaque jour à 17 heures à la gare de la Part-Dieu pour acheter Le Monde« L’information est pour moi comme un suppositoire cocaïné, c’est très efficace pour soigner l’épilepsie ! », glisse, hilare, ce passionné de photo ­argentique, qui a créé jadis quatre agences de presse et pris des participations dans une trentaine de journaux.

Renvoyé de dix-sept écoles

Fils d’un polytechnicien né en 1901, résistant gaulliste et membre de l’Opus Dei, organisation secrète proche du Vatican, Thierry Ehrmann est un homme pressé qui sait que le temps lui est compté : il n’a pas 13 ans lorsqu’il réalise ses premières sculptures, obtient son émancipation à 14 ans, passe son bac comme candidat libre après s’être fait renvoyer de dix-sept écoles… Après des études de droit et de théologie, il part faire le tour du monde, mais la mort de son père le rappelle en France au début des années 1980. A 19 ans, il se retrouve à la tête de l’usine chimique familiale, qu’il ­revend rapidement. Pas son truc. Deux ans plus tard, il lance un serveur téléphonique d’informations économiques et politiques sur la région lyonnaise, qu’il décline sur Minitel. A l’époque, il détient aussi 10 % d’une messagerie rose, ce qui lui assure des ­revenus confortables. Il monte ensuite plusieurs services sur abonnement : des banques de données juridiques, judiciaires, scientifiques…

L’arrivée d’Internet en 1985 le convainc de « retarder son suicide ». Avant tout le monde, ce geek de première génération a compris que les données valent de l’or. En 2000, il introduit en Bourse sa filiale la plus prometteuse, Artprice. L’entreprise est portée par la bonne santé du marché de l’art, qui ne connaît pas la crise. Elle compile les résultats de 6 300 maisons de ventes relatives à plus de 700 000 artistes et recense 128 millions d’œuvres d’art, un fonds sans équivalent. « Nous avons rendu le marché de l’art transparent », s’enorgueillit M. Ehrmann, qui travaille sur une dizaine de fuseaux horaires. Reflet du déclin de la France sur le marché de l’art, qui migre à toute vitesse vers l’Asie, notre pays représente moins de 3 % de son chiffre d’affaires.

« L’homme est tordu, c’est la tare dégénérée du monde animal »

Si sa page Facebook compte 3 millions de fidèles, c’est sur l’Internet profond, un monde bien plus vaste que le dark Net, qu’il passe le plus clair de son temps. Environ 300 millions de personnes s’y échangeraient des informations à l’abri de Google et des services de renseignements américains. Pessimiste, Thierry Ehrmann ? « L’homme est tordu, c’est la tare dégénérée du monde animal. Mais je suis malgré tout optimiste car je crois au génie humain. A chaque fois que nous nous sommes retrouvés au pied du mur, nous avons été capables d’un sursaut. C’est ce qui va se passer avec le réchauffement planétaire », espère ce père de deux enfants de deux femmes différentes, qui travaillent chez Artprice.

Pour ce visionnaire, qui fut l’un des premiers à concevoir des images de synthèse dans les années 1980, l’époque est riche de promesses. Il voit dans la réalité virtuelle « une solution au tourisme de masse, qui rend les pandémies inévitables ». Dans une société où tout s’accélère, où tout le monde ou presque s’affiche sur les réseaux sociaux, il croit au retour du sacré, du secret. Avec le temps, l’anarchiste admirateur de François Mitterrand, « le dernier des géants », s’est assagi. L’actuel président de la République n’est visiblement pas sa tasse de thé, mais il ne dira pas pour qui il vote. « La ­politique m’emmerde », lâche-t-il. En revanche, il est malheureux de voir le rêve européen partir en capilotade.
Si son humour est aussi noir que les cafés qu’il ingurgite, « amour » est le mot qu’il prononce le plus souvent. Dans le fond, Thierry Ehrmann est un sentimental. « J’ai enterré ma mère l’an dernier. Je n’ai presque plus de famille », confie-t-il. Lorsque d’anciens employés viennent à la fête de fin d’année qu’il organise pour eux, rien ne lui fait plus plaisir. « Cela montre que j’ai réussi quelque chose », ­conclut-il en avalant un dernier expresso.

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(Bon, moi j'écrirais « espresso », mais voilà...)


La suite plus tard, je vérifie ce que ça donne sur un iPhone.
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15 octobre 2018 -- 13:00

Pas terrible, bon.

J'aide P. à transporter les courses (on s'en fout).
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15 octobre 2018 -- 13:15

Image évoquée avec Tr., Al. et Él. à la Laiterie du Parc Josaphat.




Tableau de Lichtenstein (1963) avec « clin d’œil sémantique » relevé par Thierry Lenain : le VOOMP (lui-même explosé) se reflète dans la visière du pilote (en bas, au milieu) !


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15 octobre 2018 -- 13:35

Lotta Hannerz is (always) my friend
(descendre ici au 5 octobre d'il y a 14 ans)



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15 octobre 2018 -- 13:45

Retour sur l'expo de René Daniëls actuellement au Wiels avec qq œuvres qui plaisent au taulier :
Spray Armée, 1983

(les livres/dossiers comme des immeubles -- 
et la Filosofie évoquant Cé.)
Deux I se battent pour un point, 1985

Académie, 1982

(Lequel tableau illustre de manière assez momoche
 -- mais sympa -- le texte ci-dessous, non ?)
[...]

La définition du tableau comme « fenêtre ouverte », qu'on trouve au Livre I du Della Pittura d'  est à cet égard exemplaire, notamment en raison des contresens qu'elle n'a cessé de susciter. Chez Alberti, cette fenêtre encadre une représentation narrative; elle n'ouvre pas sur la nature mais sur l'  « Je trace d'abord sur la surface à peindre un quadrilatère de la grandeur que je veux, et qui est pour moi une fenêtre ouverte par laquelle on puisse regarder l'histoire (historia) » (ibid., I, trad. fr. J.-L. Scheffer, Macula, 1992, p. 115; dans la version italienne de son traité, Alberti emploie le mot storia qui, comme historia, correspond au muthos d' [sur les deux versions du traité d'Alberti, voir beauté]).

Mais cette définition s'accorde mal avec celle que l'on rencontre à d'autres endroits du texte où la représentation picturale est caractérisée par sa fonction monstrative, c'est-à-dire sa fonction d'  : « En effet, puisque la peinture s'efforce de représenter (repraesentare) les choses visibles, notons de quelle façon les choses se présentent à la vue » (ibid., II, p. 145). D'où le fait qu'on a pu interpréter cette analogie avec la fenêtre en un sens totalement étranger à la pensée albertienne, comme une fenêtre ouvrant sur du visible, telles ces vedute qu'on rencontre dans maints tableaux de la Renaissance.

On retrouve la même ambivalence chez Poussin, un siècle plus tard. Dans l'une de ses dernières lettres, il définit la peinture comme « une imitation faite avec lignes et couleurs en quelque superficie de tout ce qui se voit sous le soleil » (lettre à Fréart de Chambray, 2 mars 1665, in Correspondance de Nicolas Poussin, p. 462). Mais ailleurs, il écrit que « la peinture n'est rien d'autre que l'imitation des actions humaines », cette seconde définition de l'  conforme à l'idée aristotélicienne de mimêsis poétique, étant en fait la traduction d'une phrase du Tasse que Poussin se contente de recopier en remplaçant le mot poésie par celui de peinture.

Jacqueline Lichtenstein
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15 octobre 2018 -- 14:10

L'auteur au travail (à propos de fenêtre)






Un lien passionnant signalé par Cé. , 
« Process Porn » ou « l’artification des métiers de la conservation et de la restauration ».
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15 octobre 2018 -- 16:10

Encore une fenêtre de René Daniëls (et une galerie/nœud pap')




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15 octobre 2018 -- 16:30

Retour sur l'été 2018, en commençant par Rome :

“Un popolo di poeti di artisti di eroi di santi di pensatori di scienziati di navigatori di trasmigratori”

(il y a écrit "trasmigratori" -- cher Matteo Salvini, "trasmigratori" -- et c'est la prose de tes amis mussoliniens).

Bulles Piazza del Popolo

P. admirant Penone (et un type énervé)

Palerme, capitale européenne de la culture (avec Manifesta) :


Cefalù : P. en plan large et une partie de tennis de table :





Visite du Cretto de Burri à Gibellina Vecchia --  9 hectares de béton armé, coulé sur 1,50 mètre de haut :





Vu du ciel par Google, ce Cretto dessine un carré presque parfait :


Retour à Rome pour un hommage à Raphaël
(Palazzo della Farnesina + tombe au Panthéon) : 


La tombe de Raffaello Sanzio est sous la statue -- dans le halo blanc doré. On peut y lire ce texte de son ami Bembo :


« Ille hic est Raffael, timuit quo sospite vinci, rerum magna parens et moriente mori » 


(ci-gît Raphaël par qui la nature, de son vivant, craignit d'être vaincue et qui, une fois mort, redouta de mourir aussi) :




L'une des nombreuses tentures en trompe-l’œil de la Farnesina :




Et maintenant quelques selfies (la maison est addict) :










Les trois derniers selfies ont été pris chez Société(rue Vanderstichelen, près de Tour & Taxis) où l'on peut encore voir la meilleure expo du moment à Bruxelles -- "Measurements".
"Société" ce sont deux artistes/curateurs adorables, Manuel Abendroth et Els Vermang  :




Virée à Paris -- quelques souvenirs du Palais de Tokyo et de l'expo Chris Marker (actuellement à Bozar -- ne pas rater) :





Autres images et autoréférences de l'été :











(ci-dessus, Sasha Drutskoy chez Nardone)




(on sait que la maison aime les jeux et les hommes -- ci-dessus un détail d'une peinture de Lorenzo Lotto où est encodé le prénom de Madame Brembati).


Reçu le catalogue vintage ci-dessous (à tomber) de S. et Cé. avec quelques illustrations des travaux de De Dominicis -- artiste que nous vénérons (celui des ronds carrés dans l'eau et de l'envol -- lequel envol nous fit rire récemment à l'ex-Maison ex-Rouge.

Son carré anticipe le film "The Square", non ?) :





En septembre la maison se rendit au Delhaize du Street art et en ramena une excellente impression :







Ci-dessous, détails autoréférents de deux œuvres de T-kid (le moustachu en rouge en bas à droite -- lequel est devenu un grand costaud depuis) :







Ai retrouvé (en rangeant des papiers) ce beau dessin que Marion L. m'offrit il y a 10 ans -- il m'a rappelé celui dessous, d'Alina Szapocznikow :




Encore quelques images puis au lit :




Chez Citroën/Pompidou place de l'Yser




Une performance de Joséphine de Weck à l'hôtel NH (lieu qui recevra bientôt l'expo "Ekphrasis" curatée par Cé.) :



Aimé ce papier sur Luke Rhinehart dont L'Homme-dé m'avait bien plu il y a lurette...

Et quelle photo !


Luke Rhinehart : « L’esprit de sérieux est une maladie »

L’écrivain américain, 85 ans, est l’auteur d’un livre culte de 1971, « L’Homme-dé ». Et d’autres excellents romans parus depuis, jusqu’au joyeux « Invasion », aujourd’hui traduit.

Par ERIC LORET
Collaborateur du « Monde des livres »



Ce portrait aurait dû commencer par un voyage. On aurait pris l’avion, puis la voiture ou le train pendant deux ou trois heures depuis New York ou Boston, et expliqué quelle difficulté il y a à dénicher Luke Rhinehart, le mystérieux auteur de L’Homme-déUn livre culte publié en 1971 (Seuil, 1973 ; L’Olivier, 2014) qui raconte la vie du psychiatre déviant Luke Rhinehart, un type qui joue toutes les décisions de sa vie aux dés, en particulier celles qui concernent ses envies récurrentes de viol et de meurtre. On serait arrivé à Canaan, au milieu de la campagne, dans le nord de l’Etat de New York, dans une belle maison de bois blanc comme on en voit dans les films américains indépendants. Là, George Powers Cockcroft, 85 ans, nous aurait expliqué qu’il ne s’appelle pas Luke Rhinehart (c’est le nom d’un personnage dans un de ses romans inachevés), qu’il n’a jamais été psychiatre et qu’il n’a pas non plus violé ni assassiné qui que ce soit. En revanche, il aurait dit qu’il a effectivement dragué sa femme grâce aux dés car, un jour, sortant en voiture d’un hôpital où il travaillait, il aperçut deux infirmières. Comme à l’époque les dés l’aidaient à dépasser sa timidité et ses tendances à la procrastination, le hasard lui enjoignit de proposer aux jeunes femmes de les raccompagner chez elles. L’une d’elle était Ann, son épouse depuis 1956.

Quand ils vivaient à Majorque, dans les Baléares

Mais nous n’avons pas eu à aller chercher l’homme au fond des bois. Il nous est servi sur un plateau et sous un large chapeau de cowboy dans les bureaux parisiens de son éditeur, en juin. On nous avertit qu’Ann, désormais peintre et écrivaine, sera présente mais qu’elle n’interviendra pas : elle veille seulement à ce qu’il ne s’épuise pas sous les interrogatoires répétés de sa tournée européenne. Dommage, on aurait au contraire aimé avoir son avis. De temps en temps, on sent un frémissement dans le fond de la salle : c’est Ann qui n’est pas toujours d’accord avec les affirmations de George – ou peut-être de Luke. Quand on demande, par exemple, s’ils n’ont jamais eu de pépin, quand il faisait vivre leur famille sur un trimaran ? « Jamais »,affirme le grand écrivain (en tous les sens du terme, vu sa taille). Ann, elle, se marre et dodeline de la tête, le sourcil levé : ils ont apparemment eu chaud plus souvent qu’à leur tour. A la fin des années 1960 et au début des années 1970, quand ils vivaient à Majorque, dans les Baléares, leurs enfants n’allaient pas à l’école, explique-t-il à un autre moment, et ils n’en sont pas moins parfaitement éduqués. Là encore, Ann, amusée, fait un signe de la main, du genre « il faut le dire vite »…

La vie de George Cockcroft est dense et, si l’on ose dire, mal documentée. Son père, qui était ingénieur, est atteint d’un cancer et se suicide quand il a 9 ans. George a un frère cadet, James, historien spécialiste des révolutions sud-américaines et du Mexique en particulier. Lui-même, docteur en littérature, a enseigné aux Etats-Unis, au Mexique et à Majorque. Il a étudié le zen et le soufisme. Ann et lui ont trois garçons, dont un souffrant de schizophrénie. Ils ont vécu en hippies (que de l’herbe, pas d’acide, promis), puis sur un bateau, expérience dont il a tiré L’Odyssée du vagabond (Robert Laffont, 1984), l’histoire d’une famille qui fuit en mer après une apocalypse nucléaire. En 2012, Ann a envoyé un courriel à vingt-cinq de leurs amis pour leur annoncer la mort de « Luke », manquant de causer infarctus et dépressions chez ceux qui n’avaient pas immédiatement saisi l’ambiguïté de la formulation.

La vie de Luke Rhinehart, ou plutôt celle de l’« homme-dé », est en revanche mieux connue : le livre a été plus ou moins ignoré dans sa première édition américaine. Son succès est plutôt venu de la Grande-Bretagne, de la Suède et du Danemark. Il a connu une vogue récente en Espagne, et il s’est à ce jour vendu à plus de 2 millions d’exemplaires dans le monde. L’homme-dé est devenu une figure de la culture populaire, dans le rock en particulier, et nombre de personnalités se sont réclamées de sa méthode aléatoire. Enfin, Emmanuel Carrère l’a consacré en France dans un reportage pour la revueXXI, repris dans Il est avantageux d’avoir où aller(P.O.L, 2016).

« Il m’arrive de mélanger le vin avec du jus d’orange ou du Coca »

En vrai, l’homme est charmant, plein d’humour, le regard bleu perçant. Il s’est excusé de tout sur sa page Facebook avant de venir à Paris, en mode bouseux : il n’aime pas visiter les monuments, il préfère la nature. Et pour nous, il ajoute : « En plus, il m’arrive de mélanger le vin avec du jus d’orange ou du Coca, un crime pour les Français. Et puis, je déteste les repas longs et chauds. » Il s’excuse encore sur Majorque : il y était sous la dictature franquiste, mais il n’a pas vu si les Majorquins en souffraient ou pas. Venons-en maintenant au nœud de l’affaire : Invasion, son nouveau roman traduit en français, où des boules de poil venues de l’espace mettent l’ordre occidental à sac et ridiculisent le Parti républicain.

A notre tour d’avancer une bêtise : comment peut-on être zen et faire la guerre depuis toujours au conservatisme, par exemple dans Jesus Invades George (« Jésus envahit George », 2013, non traduit), où W. Bush devient tellement chrétien qu’il en finit authentiquement bon ? « Oui, c’est une sorte de contradiction… Je crois que l’esprit de ­sérieux est une maladie majeure de l’homme. Le jeu, l’amusement, voilà ce que devrait être la vie humaine. Pourtant, je veux critiquer ma culture américaine du consumérisme, du militarisme, sa violence, parce que ça rend les hommes malheureux. En bon bouddhiste zen, ma technique consiste donc à attaquer, puis à me rasseoir en souriant. Je ne m’attache pas et je ne m’intéresse pas au résultat de l’attaque. »

Rhinehart est un inconnu chez lui

Invasion et d’autres livres récents sont venus de sa lecture d’essais sur la politique américaine, dit-il, après de longues années à pratiquer la fiction (un personnage du roman s’appelle Molière et on trouve d’autres allusions à Tolstoï, Kafka ou Montaigne). « Les Américains ont l’air d’ignorer absolument que leur pays bombarde d’autres pays qui ne leur ont rien fait et que cela crée encore plus de terroristes… Et lorsque ces aliens zen débarquent, au lieu de saisir l’opportunité de se réformer, ils se contentent de se moquer d’eux. » Mais Cockcroft ne semble pas pour autant électeur démocrate : « Hillary Clinton aurait continué toutes les guerres. Elle est aussi proche de Wall Street que l’est Trump. » Lequel est tout de même à ses yeux le pire des monstres qu’il ait connus, « y compris en fiction ».

À l’en croire, Rhinehart est un inconnu chez lui. « Mes voisins ne savent pas que je suis écrivain. Aux Etats-Unis, je suis George Cockcroft. Ce sont toujours des Européens qui viennent me voir. » Il n’a pas été au courant du succès deL’Homme-dé avant le XXIe siècle, avoue-t-il. Les fans ne lui écrivent pas, il était coupé de tout. Il a pourtant publié beaucoup d’autres livres, de différents genres. Une suite à L’Homme-dé et un recueil d’aphorismes à son sujet, des romans toujours satiriques, mais sauvés par des personnages soufis (Matari, 1975) ou zen (Adventures of Wim, 1986), et même un manuel de développement personnel, The Book of est (« Le livre des “séminaires de formation Erhard” », 1976). Aujourd’hui, la suite d’Invasion, intitulée The Hairy Balls and the End of Civilization (qu’on traduira ici très littéralement par « Les boules de poil et la fin de la civilisation ») est déjà partie à l’impression. Quant à son éditeur français, David Meulemans, il annonce son intention, dans les mois et années à venir, de traduire les œuvres complètes du maître.

PARCOURS

1932 George Powers Cockcroft naît le 15 novembre à Albany (Etat de New York).
1969 Installé à Majorque (Espagne) avec sa femme et ses enfants, il décide de terminer son premier roman, The Dice Man.
1971 Il publie The Dice Man (L’Homme-dé, Seuil, 1973) sous le pseudonyme de Luke Rhinehart.
2016 Invasion, son douzième livre, paraît.

CRITIQUE

Joueurs velus envahisseurs
Invasion, de Luke Rhinehart, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Francis Guévremont, Aux forges de Vulcain, 446 p., 22 €.

Billy Morton, pêcheur de son état, ramène un jour chez lui un truc en poil protéiforme, quelque part entre le tapioca velu et le ballon à cils longs. La créature n’est de toute évidence pas de ce monde mais, comme ni la trouille ni le rationalisme ne sont le fort de la famille, il décide avec sa femme et leurs deux garçons d’adopter la chose et de l’appeler Louie. Les policiers péquenauds du coin sont bien un peu méfiants, mais l’ambiance reste bon enfant.
Animal domestique et monstre surintelligent à la fois, la bestiole est bientôt rejointe par ses potes extraterrestres et tous se mettent à hacker banques et institutions en utilisant le matériel des Morton. Ce « terrorisme » provoque une réaction violente du gouvernement républicain (lequel veut obliger« tous les Américains à porter une arme à feu en tout temps ») mais aussi de tous les Etats occidentaux, qui se mettent à traquer aussi bien ces intrus que les humains qui les hébergent. Car pire que le sabotage et le piratage, ces envahisseurs n’aiment rien tant que le jeu, sans rime ni raison : ils finissent ainsi par inspirer aux Terriens un mouvement de contestation nommé« Pasquecérigolo ».
Luke Rhinehart cuisine, avec Invasion, une satire joyeuse du capitalisme tout en continuant à semer l’anarchie douce qu’il cultive depuis presque cinquante ans.

EXTRAIT

« Il a fallu trois jours aux médias pour apprendre qu’on était revenus d’entre les morts. Pas mal de journaux et de commentateurs ont trouvé significatif que notre résurrection ait quasiment eu lieu le jour de Noël. Pour la première fois en deux mille ans, il y avait des gens qui ressuscitaient, et ça arrivait à Noël ! Mais un jour ou deux après, on a commencé à se rendre compte que les Morton n’allaient jamais à l’église, sauf pour les mariages et pour les funérailles ; que M. Morton (moi) n’avait pas une réputation étincelante et qu’il avait un dossier criminel qui remontait aux années 1960 et au sujet duquel il n’avait jamais exprimé de remords. Deux jours après, les médias avaient complètement laissé tomber la fable de la résurrection à Noël. » 
Page 297

ERIC LORET
Collaborateur du « Monde des livres »

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Pardon à ceux qui connaissent déjà ce qui suit -- posté sur FB in illo tempore (FB que j'ai désormais déserté) -- mais qui m'amuse toujours :



 La Célestine de Picasso nous regarde :










Sinon c'est toujours l'été...



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15 octobre 2018 -- 18:00

Je révise mes échecs, le fils arrive dans une heure.



Blanc mate en deux coups.
(réponse dans le fichier suivant)
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15 octobre 2018 -- 23:15

Le fils bat son père et mène désormais 128 à 0.

La suite demain.
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Commentaires

  1. Eh bien, eh bien, où sont les pas suivants ? Il paraît que les blogs doivent être nourris en permanence

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